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les théories représentatives et l’histoire

et par Fresnel, reprend le pas sur l’Optique de l’émission ; mais, grâce à Fresnel, l’Optique ondulatoire a subi une modification profonde ; la vibration lumineuse n’est plus dirigée suivant le rayon ; elle lui est perpendiculaire ; l’analogie entre le son et la lumière, qui avait guidé Huygens, a disparu ; néanmoins l’explication nouvelle conduit encore les physiciens à adopter la construction des rayons réfractés par un cristal, telle que l’a imaginée Huygens.

Il y a plus : en changeant sa partie explicative, la doctrine d’Huygens a enrichi sa partie représentative ; elle ne figure plus seulement les lois qui régissent la marche des rayons, mais aussi les lois dont dépend leur état de polarisation.

Les tenants de cette théorie seraient maintenant en bonne posture pour retourner à Laplace la pitié méprisante qu’il témoignait à leur endroit ; il devient malaisé de relire sans sourire ces phrases que le grand mathématicien écrivait[1] au moment même où l’Optique de Fresnel triomphait : « Les phénomènes de la double réfraction et de l’aberration des étoiles me paraissent donner au système de l’émission de la lumière, sinon une certitude entière, au moins une extrême probabilité. Ces phénomènes sont inexplicables dans l’hypothèse des ondulations d’un fluide éthéré. La propriété singulière d’un rayon polarisé par un cristal de ne plus se partager en passant dans un second cristal parallèle au premier indique évidemment des actions différentes d’un même cristal sur les diverses faces d’une molécule de lumière. »

  1. Laplace : Exposition du système du monde, loc. cit.