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l’objet de la théorie physique

La théorie de la réfraction donnée par Huygens n’embrassait pas tous les cas possibles ; une immense catégorie de corps cristallisés, les cristaux biaxes, offraient des phénomènes qui ne pouvaient rentrer dans ses cadres. Ces cadres, Fresnel se proposa de les élargir, de telle sorte que l’on y pût classer non seulement les lois de la réfraction simple, non seulement les lois de la double réfraction uniaxiale, mais encore les lois de la double réfraction biaxale. Comment y parvint-il ? En cherchant une explication du mode de propagation de la lumière dans les cristaux ? Nullement, mais par une intuition de géomètre où aucune hypothèse sur la nature de la lumière ou sur la constitution des corps transparents n’avait de place. Il remarqua que toutes les surfaces d’onde que Huygens avait eu à considérer pouvaient se tirer, par une construction géométrique simple, d’une certaine surface du second degré ; cette surface était une sphère pour les milieux uniréfringents, un ellipsoïde de révolution pour les milieux biréfringents uniaxes ; il imagina qu’en appliquant la même construction à un ellipsoïde à trois axes inégaux, on obtiendrait la surface d’onde qui convient aux cristaux biaxes.

Cette audacieuse intuition a été couronnée du plus éclatant succès ; non seulement la théorie proposée par Fresnel s’est accordée minutieusement avec toutes les déterminations expérimentales ; mais encore elle a fait deviner et découvrir des faits imprévus et paradoxaux que l’expérimentateur, livré à lui-même, n’aurait jamais eu l’idée de rechercher ; telles sont les deux espèces de réfraction conique ; le grand mathématicien Hamilton a déduit de la forme de la surface d’onde des