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LES THÉORIES REPRÉSENTATIVES ET L’HISTOIRE


§ II. — Les opinions des physiciens sur la nature des théories physiques.

Un des penseurs qui ont le plus vivement insisté pour que les théories physiques fussent regardées comme des représentations condensées et non comme des explications, M. Ernst Mach, a écrit [1] ce qui suit :

« L’idée d’une économie de la pensée se développa en moi par mes expériences professorales dans la pratique de l’enseignement. Je la possédais déjà lorsqu’en 1861 je commençai mes leçons comme privatdocent, et je croyais alors être seul à l’avoir, ce que l’on voudra bien trouver pardonnable. Mais aujourd’hui, je suis, au contraire, convaincu qu’au moins un pressentiment de cette idée doit toujours avoir été un bien commun à tous les investigateurs qui ont réfléchi sur la recherche en général. »

En effet, dès l’antiquité, certains philosophes ont fort exactement reconnu que les théories physiques n’étaient nullement des explications ; que leurs hypothèses n’étaient point des jugements sur la nature des choses ; que c’étaient seulement des prémisses destinées à fournir des conséquences conformes aux lois expérimentales.

Les Grecs connaissaient à proprement parler une seule théorie physique, la théorie des mouvements célestes ; c’est donc au sujet des systèmes cosmographiques qu’ils ont émis et développé leur conception de

  1. E. Mach : La Mécanique ; exposé historique et critique de son développement. Paris, 1904, p. 360.