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l’objet de la théorie physique

nic peuvent être fausses et que, cependant, des φαινομενα véritables peuvent en découler comme de leurs principes propres… Je n’hésite pas à déclarer que tout ce que Copernic a amassé a posteriori, et prouvé par l’observation, tout cela pourrait, sans nulle entrave, être démontré a priori, au moyen d’axiomes géométriques, au point de ravir le témoignage d’Aristote, s’il vivait. »

Cette confiance enthousiaste, et quelque peu naïve, dans la puissance sans limite de la méthode physique déborde chez les grands inventeurs qui inaugurent le xviie siècle. Galilée distingue bien entre le point de vue de l’Astronomie, dont les hypothèses n’ont d’autre sanction que l’accord avec l’expérience, et le point de vue de la Philosophie naturelle, qui saisit les réalités ; il prétend, lorsqu’il soutient le mouvement de la terre, discourir seulement en astronome et ne point donner ses suppositions pour vérités ; mais ces distinctions ne sont chez lui que faux-fuyants pour éviter les censures de l’Eglise ; ses juges ne les ont pas considérées comme opinions sincères ; pour les regarder comme telles, il leur eût fallu bien peu de clairvoyance. S’ils eussent pensé que Galilée parlait sincèrement en astronome, et non en philosophe de la nature, en physicien, selon leur langage ; s’ils eussent regardé ses théories comme un système propre à représenter les mouvements célestes et non comme une doctrine affirmative sur la nature réelle des phénomènes astronomiques, ils n’eussent point censuré ses idées. Nous en avons l’assurance par une lettre[1] que, dès le 12 avril 1615, le principal adversaire de Galilée, le cardinal

  1. Grisar : Galilei-Studien, Beilage IX, Ratisbonne, 1882.