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l’objet de la théorie physique

faire ; ce que je ne fais aucune difficulté d’accorder. Et je croirai avoir assez fait si les causes que j’ai expliquées sont telles que tous les effets qu’elles peuvent produire se trouvent semblables à ceux que nous voyons dans le monde, sans m’informer si c’est par elles ou par d’autres qu’ils sont produits. Même je crois qu’il est aussi utile pour la vie de connaître les causes ainsi imaginées que si on avait la connaissance des vraies ; car la médecine, les mécaniques, et généralement tous les arts à quoi la connaissance de la Physique peut servir, n’ont pour fin que d’appliquer tellement quelques corps sensibles les uns aux autres que, par la suite des causes naturelles, quelques effets sensibles soient produits ; ce que l’on pourrait faire tout aussi bien en considérant la suite de quelques causes ainsi imaginées, quoique fausses, que si elles étaient les vraies, puisque cette suite est supposée semblable en ce qui regarde les effets sensibles. Et afin qu’on ne puisse pas s’imaginer qu’Aristote ait jamais prétendu rien faire de plus que cela, il dit lui-même, au commencement du septième chapitre du premier livre de ses Météores que « pour ce qui est des choses qui ne sont pas manifestes aux sens, il pense les démontrer suffisamment et autant qu’on peut désirer avec raison, s’il fait seulement voir qu’elles peuvent être telles qu’il les explique ».

Mais cette sorte de concession aux idées de l’École est manifestement en désaccord avec la méthode même de Descartes ; elle est seulement une de ces précautions contre la censure du Saint-Office que prenait le grand philosophe, fort ému, comme l’on sait, par la condamnation de Galilée ; du reste, il semble que Descartes