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les théories représentatives et l’histoire

fixes. Mais jusqu’ici, je n’ai pu tirer des phénomènes la raison de ces propriétés de la gravité, et je ne feins point d’hypothèses. Car tout ce qui ne se tire point des phénomènes doit être nommé hypothèse ; et les hypothèses, qu’elles soient métaphysiques ou physiques, qu’elles invoquent des causes occultes ou qu’elles soient mécaniques, n’ont pas place en Philosophie expérimentale. Dans cette Philosophie, les propositions sont tirées des phénomènes et généralisées par induction. C’est ainsi qu’on a connu l’impénétrabilité, la mobilité, la force vive des corps et les lois des mouvements et de la gravité. Et c’est assez que cette gravité existe réellement et agisse selon les lois que nous avons exposées, et qu’elle suffise à tous les mouvements des corps célestes et de notre mer. »

Plus tard, en la célèbre XXXIe question qui termine la seconde édition de son Optique, Newton énonce, avec une grande précision, son opinion au sujet des théories physiques ; il leur assigne pour objet la condensation économique des lois expérimentales : « Expliquer chaque propriété des choses en les douant d’une qualité spécifique occulte par laquelle seraient engendrés et produits les effets qui se manifestent à nous, c’est ne rien expliquer du tout. Mais tirer des phénomènes deux ou trois principes généraux de mouvement, expliquer ensuite toutes les propriétés et les actions des corps au moyen de ces principes clairs, c’est vraiment, en Philosophie, un grand progrès, lors même que les causes de ces principes ne seraient pas découvertes ; c’est pourquoi je n’hésite pas à proposer les principes du mouvement, tout en laissant de côté la recherche des causes. »

Ceux qui partageaient la superbe confiance des carté-