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l’objet de la théorie physique

sance du principe de l’attraction ; cette confiance, cependant, n’est pas aveugle ; en quelques endroits de l’Exposition du système du monde, Laplace indique que cette attraction universelle qui, sous forme de gravité ou d’attraction moléculaire, coordonne tous les phénomènes naturels, n’en est peut-être pas l’ultime explication ; qu’elle-même peut dépendre d’une cause plus élevée ; cette cause, il est vrai, Laplace semble la rejeter dans un domaine inconnaissable ; en tous cas, il reconnaît, avec Newton, que la recherche de cette cause, si elle est possible, constitue un problème distinct de celui que résolvent les théories astronomiques et physiques. « Ce principe, dit-il[1], est-il une loi primordiale de la nature ? N’est-il qu’un effet général d’une cause inconnue ? Ici, l’ignorance où nous sommes des propriétés intimes de la matière nous arrête, et nous ôte tout espoir de répondre d’une manière satisfaisante à ces questions. » — « Le principe de la pesanteur universelle, dit-il encore[2], est-il une loi primordiale de la nature, ou n’est-il qu’un effet général d’une cause inconnue ? Ne peut-on pas ramener à ce principe les affinités ? Newton, plus circonspect que plusieurs de ses disciples, ne s’est point prononcé sur ces questions auxquelles l’ignorance où nous sommes des propriétés de la matière ne permet pas de répondre d’une manière satisfaisante. »

Philosophe plus profond que Laplace, Ampère voit avec une parfaite clarté l’avantage qu’il y a à rendre une théorie physique indépendante de toute explica-

  1. Laplace : Exposition du système du monde. I. IV, c. xvii.
  2. Idem : Ibid., I. V, c. v.