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CHAPITRE IV

LES THÉORIES ABSTRAITES ET LES MODÈLES MÉCANIQUES[1]


§ I. — Deux sortes d’esprits : Les esprits amples et les
esprits profonds.

La constitution de toute théorie physique résulte d’un double travail d’abstraction et de généralisation.

En premier lieu, l’esprit analyse un nombre immense de faits particuliers, concrets, divers, compliqués, et ce qu’il voit en eux de commun et d’essentiel, il le résume en une loi, c’est-à-dire en une proposition générale reliant des notions abstraites.

En second lieu, il contemple tout un ensemble de lois ; à cet ensemble, il substitue un tout petit nombre de jugements extrêmement généraux, portant sur quelques idées très abstraites ; il choisit ces propriétés premières, il formule ces hypothèses fondamentales, de telle sorte qu’une déduction fort longue peut-être, mais très sûre, en puisse tirer toutes les lois appartenant à l’ensemble qu’il étudie. Ce système des hypothèses et des conséquences qui en découlent, œuvre d’abstraction, de généralisation et de déduction, con-

  1. Les idées exposées dans ce chapitre sont le développement d’un article intitulé : L’École anglaise et les Théories physiques, publié, en octobre 1893, par la Revue des Questions scientifiques.