à suivre sans lassitude ni défaillance, jusqu’à ses dernières conséquences, un raisonnement qui prend pour principes de tels jugements. Chez ces hommes, la faculté de concevoir des idées abstraites et d’en raisonner est plus développée que la faculté d’imaginer des objets concrets.
Pour ces esprits abstraits, la réduction des faits en lois, la réduction des lois en théories, constitueront véritablement des économies intellectuelles ; chacune de ces deux opérations diminuera à un très haut degré la peine que leur raison doit prendre pour acquérir la connaissance de la Physique.
Mais tous les esprits vigoureusement développés ne sont pas des esprits abstraits.
Il en est qui ont une merveilleuse aptitude pour rendre présent à leur imagination un ensemble compliqué d’objets disparates ; ils le saisissent d’une seule vue, sans avoir besoin que leur attention myope se porte d’abord sur cet objet, puis sur cet autre ; et cette vue, cependant, n’est pas vague et confuse ; elle est précise et minutieuse ; chaque détail est clairement aperçu à sa place et avec son importance relative.
Mais cette puissance intellectuelle est soumise à une condition : il faut que les objets sur lesquels elle s’exerce soient de ceux qui tombent sous les sens, qui se touchent ou qui se voient. Les esprits qui la possèdent ont besoin, pour concevoir, du secours de la mémoire sensible ; l’idée abstraite, dépouillée de tout ce que cette mémoire peut figurer, leur semble s’évanouir comme un impalpable brouillard ; le jugement général résonne pour eux comme une formule creuse et vide de sens ; la longue et rigoureuse déduction