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THÉORIES ABSTRAITES ET MODÈLES MÉCANIQUES

prend un grand nombre de principes, et qu’une nature d’esprit peut être telle qu’elle puisse bien pénétrer peu de principes jusqu’au fond, et qu’elle ne puisse pénétrer le moins du monde les choses où il y a beaucoup de principes. »

« Il y a donc deux sortes d’esprits : l’une, de pénétrer vivement et profondément les conséquences des principes, et c’est là l’esprit de justesse ; l’autre, de comprendre un grand nombre de principes sans les confondre, et c’est là l’esprit de géométrie. L’un est force et droiture d’esprit, l’autre est amplitude d’esprit. Or, l’un peut être sans l’autre, l’esprit pouvant être fort et étroit, et pouvant être aussi ample et faible. »

La théorie physique abstraite, telle que nous l’avons définie, aura sûrement pour elle les esprits forts, mais étroits ; elle doit s’attendre, au contraire, à être repoussée par les esprits amples, mais faibles. Puis donc que nous aurons à combattre l’amplitude d’esprit, apprenons d’abord à la bien connaître.



§ II. — Un exemple d’amplitude d’esprit : L’esprit de
Napoléon.

Lorsqu’un zoologiste se propose d’étudier un certain organe, il découvre avec bonheur un animal où cet organe a pris un développement exceptionnel, car il en dissèque plus aisément les diverses parties, il en voit plus clairement la structure, il en saisit mieux le fonctionnement ; de même, le psychologue qui désire ana-