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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

cycle, et de la sphère portante (falak khâridj el-markaz), qui est le déférent[1].

Ibn al Haitam, dans son Résumé d’Astronomie, n’a donc pas eu occasion de manifester l’originalité dont, en Optique, il a donné des preuves.

Les modèles agencés par Ptolémée et repris par Ibn al Haitam semblaient admirablement propres à satisfaire les tendances réalistes de l’imagination arabe. Chose étrange et bien difficile à expliquer ! Ces combinaisons de sphères solides qui, depuis la fin du xiiie siècle jusqu’au temps de Tycho Brahé et de Képler, eurent si grande vogue parmi les Chrétiens d’occident, semblent n’avoir joué aucun rôle dans le développement de la Science islamique.

Qu’elles n’aient point attiré l’attention des astronomes de profession, cela se conçoit ; les astronomes de l’Islam ne discutaient aucunement les hypothèses sur lesquelles reposent les théories de l’Almageste ; réduire ces théories en fables, perfectionner les instruments, multiplier les observations, tels étaient les seuls objets de leurs préoccupations ; ils ne pouvaient que négliger un traité d’Astronomie où rien ne venait seconder leur double besogne de calculateurs et d’observateurs.

Mais de la part des philosophes, un pareil oubli est plus difficile à comprendre.

Dès la fin du xie siècle et pendant tout le xiie siècle, les penseurs les plus éminents du Monde sémitique, Ibn Bâdja, Ibn Tofaïl, Averroès, Moïse Maïmonide, Al Bitrogi vont, au nom de la Physique péripatéticienne, battre en brèche les doctrines astronomiques de Ptolémée ; et pendant toute la durée de ce débat, pas un d’entre eux ne fera la moindre allusion à la forme donnée par les Hypothèses des astres errants et par le Résumé d’Astronomie aux suppositions de l’Almageste. Maïmonide citera Thâbit ben Kourrah et discutera sur la possibilité des corps que cet astronome veut interposer aux sphères excentriques : Averroès et Al Bitrogi critiqueront l’invention de ces mêmes corps, sans nommer toutefois l’auteur de cette invention ; aucun d’eux ne fera remarquer

  1. Zakarija ben Muhammed ben Mahmud El-Cazwini’s Kosmographie, herausgegeben von F. Wüstenfeld, Gœttingen, 1848-1849, t. I, p. 22. — Trad. allemande du même par Hermann Ethe, Leipzig, 1868, pp. 47-48. — G. Rudloff et Ad. Hochheim, Die Astronomie der Mahmud ibn Muhammad ibn Omar al-Gagmini (Zeitschrift der deutschen morgen ländischzn Gesellschaft, Bd. XLVII, 1893). — Léon Gauthier, Une réforme du système astronomique de Ptolémée tentée par les philosophes arabes du xiie siècle (Journal Asiatique, 7e série, t. XIV, 1909, pp. 492-493).