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LES DIMENSIONS DU MONDE

Les épaisseurs des gaines successives qui entourent le fuseau de la Nécessité, dans le mythe d’Er, sont probablement proportionnelles aux intervalles que Platon imaginait entre les astres[1] ; mais la République nous fait seulement connaître dans quel ordre leurs grandeurs respectives rangent ces intervalles, sans préciser ces grandeurs.

Au Timée, Platon indique[2] d’une manière plus explicite des évaluations que l’on ne saurait, d’ailleurs, faire concorder avec la description du fuseau de la Nécessité. Si l’on prend pour unité le diamètre de la sphère des éléments, qui est, en même temps, le diamètre de la surface interne de l’orbe de la Lune, les épaisseurs des six orbes célestes suivants ont des diamètres représentés par les nombres 2, 3, 4, 9, 8, 27. Quant aux trois surfaces sphériques qui limitent l’orbe de Saturne et l’orbe des étoiles fixes, Platon ne nous dit pas quels sont leurs diamètres.

En divers auteurs, on trouve la trace d’autres évaluations analogues et qui nous paraissent, à nous modernes, tout aussi peu fondées. Sans nous y attarder, nous allons dire quelques mots d’un principe d’où certains des astronomes anciens ont cru pouvoir tirer la mesure des distances célestes ; nous voulons parler de la doctrine de l’harmonie des sphères astrales.

Qu’une sphère solide porte les étoiles fixes ; que chacun des astres errants soit également enchâssé dans un orbe rigide ; que chacun de ces orbes, par sa rotation, produise une note musicale ; que l’ensemble de ces sons célestes engendre une ineffable harmonie ; c’est une supposition assurément très ancienne en la Philosophie grecque et qui, au sein des Écoles pythagoriciennes, avait trouvé une singulière faveur.

À cette doctrine, Platon fait allusion dans sa description du fuseau de la Nécessité[3] ; tandis que les diverses gaines dont le fuseau est revêtu tournent d’un mouvement rapide, sur le bord de chacune de ces gaines, une sirène est assise ; chacune de ces

  1. Vide supra, ch, II, § IX, p. 64.
  2. Vide supra, ch. II, § VIII, pp. 53-54. — endroit, nous avions admis l’interprétation de Paul Tannery (Recherches sur l’histoire de l’Astronomie ancienne, Appendice V, 8, p. 133). Nous regardions les nombres

    1,   2,   3,   4,   8,   9,   27


    comme représentant les diamètres des surfaces sphériques qui limitent intérieurement les orbes des sept astres errants. Cette interprétation suppose qu’une interversion entre tes nombres 8 et 9 se soit glissée dans le texte du Timée. L’interprétation que nous indiquons ici, conforme au texte du Timée, est celle de Porphyre, comme nous le verrons un peu plus loin.

  3. Vide supra, ch. II, § IX, p. 61.