Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

ce qu’Aristote dit dans la Science physique est la vérité, il n’y a ni épicycle, ni excentrique, et tout tourne autour du centre de la terre. Mais d’où viendraient alors aux planètes tous ces mouvements divers ? Est-il possible d’une manière quelconque que le mouvement soit parfaitement circulaire et égal, et qu’il réponde en même temps aux phénomènes visibles, si ce n’est en l’expliquant par l’une des deux hypothèses ou par toutes les deux à la fois ? D’autant plus qu’en admettant tout ce que Ptolémée a dit,… les calculs faits d’après ces hypothèses ne se trouvent pas en défaut d’une seule minute… Comment se figurer sans épicycle la rétrogradation apparente d’une planète, avec ces autres mouvements ? Et comment, d’autre part, imaginer qu’il y ait dans le Ciel un roulement, ou mouvement autour d’un centre non fixe ? Et c’est là une perplexité réelle. »

Par quel moyen le penseur se dégagera-t-il de cette perplexité ? Par le moyen qu’ont indiqué Posidonius, Géminus, Ptolémée, Proclus, Philopon, Simplicius. Maïmonide adopte les doctrines de ces Hellènes, et les termes dont ils se sont servis pour exprimer leur idée sont presque identiques à ceux qu’il emploie pour formuler sa pensée.

Voici, par exemple, un passage[1] où Ptolémée seul est cité, mais où l’un croirait entendre les propres paroles de Simplicius :

« Sache que si un simple mathématicien lit et comprend ces sujets astronomiques dont il a été parlé, il peut croire qu’il s’agit là d’une preuve décisive pour démontrer que telles sont la forme et le mouvement des sphères. Cependant il n’en est pas ainsi, et ce n’est pas là ce que cherche la Science astronomique. À la vérité, il y a de ces sujets qui sont susceptibles d’une démonstration ; c’est ainsi, par exemple, qu’il est démontré que l’orbite du Soleil décline de l’équateur, et il n’y a pas de doute là-dessus. Mais que le Soleil ait une sphère excentrique ou un épicycle, c’est ce qui n’a pas été démontré, et l’Astronomie ne se préoccupe pas de cela ; car le but de cette science est de poser un système avec lequel le mouvement de l’astre puisse être uniforme, circulaire, sans être jamais hâté, ni retardé, ni changé de sens, et dont le résultat soit d’accord avec ce qui se voit. En outre, l’astronome se propose de diminuer autant que possible les mouvements et le nombre des sphères ; si, par exemple, nous pouvons poser un système selon lequel les mouvements visibles

  1. Maïmonide, Op. laud., deuxième partie, ch. XI, trad. Munk, t. II, pp. 92-93.