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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

par les étoiles fixes, tantôt il les précèdent, et tantôt ils demeurent vis-à-vis des mêmes étoiles ; c’est ce qu’on appelle leurs stations. Un tel mouvement des planètes fait bien voir que leur transport suivant l’ordre des signes ne se fait pas par délaissement ; car ci cela était, elles seraient toujours rétrogrades

» Enfin ce qui prouve que si les astres errants tournent suivant l’ordre des signes, ce ne peut être par délaissement, c’est que leurs marches rétrogrades ne sont proprortionnelles ni à leurs grandeurs, ni à leurs distances. En effet, si ces corps avaient un mouvement plus lent que les étoiles fixes, ou sorte qu’ils fussent dépassés en vitesse par celles-ci, il faudrait que leurs délaissements fussent proportionnés à leurs grandeurs et à leurs distances. Or cela n’est pas.

» Il faut donc en conclure que les planètes ont, par nature, un mouvement contraire à celui du Monde, et que ce mouvement est propre à la sphère de chacune de ces planètes. »

Théon de Smyrne semble avoir vécu peu de temps avant Ptolémée et peu de temps après le péripatéticien Adraste d’Aphrodisias. C’est à ce dernier qu’il emprunte la plus grande partie de son Astronomie. Or Adraste paraît avoir partagé l’opinion de Cléanthe et de Cléomède, que nous avons vu condamnée par Dercyllide et par Géminus ; c’est, du moins, ce qu’on peut inférer du passage suivant[1] :

« Le mouvement rétrograde est, d’après Adraste, le mouvement d’une planète qui semble toujours aller vers les signes qui suivent à l’Orient. Mais, d’après Platon, ce n’est pas une apparence ; c’est, en réalité, le mouvement propre d’un astre, dirigé vers l’Orient et vers les signes suivants ; par exemple du Cancer vers le Lion. »

Théon de Smyrne, d’ailleurs, ne paraît pas croire qu’on puisse décider entre les deux systèmes qui ont été proposés pour rendre compte du mouvement rétrograde des astres errants ; on peut admettre, dit-il[2], que la sphère « qui produit le mouvement de la planète en latitude tourne seule en sens contraire [du mouvement diurne], ou dans le même sens, pourvu qu’elle reste en arrière par sa lenteur ; car les phénomènes sont également sauvés par chacune des deux hypothèses ».

Ptolémée a connu, lui aussi, l’hypothèse rejetée par Géminus,

  1. Théon de Smyrne, Astronomie, c. XVIII. Éd. Th. H. Martin, pp. 204-205 ; éd. J. Dupuis, pp. 240-241.
  2. Théon de Smyrne, Astronomie, c. XXXII. Éd. Th. H. Martin, pp. 283 ; éd. J. Dupuis, pp. 295.