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LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES

128 ans avant le règne d’Auguste, c’est-à-dire 133 ans avant J.-C. ; que le mouvement, tant d’accès que de recès, est regardé comme un mouvement uniforme parcourant un degré en 80 ans ; enfin que l’amplitude totale de l’oscillation est de huit degrés.

Un seul point demeure obscur : Qui sont ces anciens astrologues, παλαιοὶ ἀποτελεσματιϰοί, dont parle Théon d’Alexandrie ? Les paroles de cet auteur nous marquent qu’il les regarde comme antérieurs à Ptolémée ; sont-ils, dans sa pensée, antérieurs ou postérieurs à Hipparque ? Th. H. Martin n’hésite pas à affirmer[1] que la seconde des deux alternatives est la vraie ; plus prudents, nous demeurerons dans le doute.

L’hypothèse émise par ces astrologues était, eu tous cas, de nature à rebuter les esprits ayant une juste idée des lois du mouvement ; les Hellènes, formés par la philosophie platonicienne ou péripatéticienne, avaient assez le sens de la continuité pour ne pas admettre qu’un mouvement alternatif pût être formé par La succession régulière de deux mouvements uniformes de sens contraire. Sous la forme que lui avaient donnée les anciens astrologues, la théorie de l’accès et du recès devait paraître insensée à tous les bons astronomes ; mais les idées sensées ne sont pas les seules qui influent sur la marche de la Science.

Cette hypothèse, en tous cas, fut, comme nous l’avons vu, rejetée par Théon d’Alexandrie. D’ailleurs, en son commentaire au VIIe livre de l’Almageste, Théon admet pleinement la théorie de Ptolémée ; il attribue aux étoiles fixes une rotation uniforme, d’Occident en Orient, qui s’accomplit en 36.000 ans autour de l’axe de l’écliptique.

Nombre de physiciens et d’astronomes suivaient, comme Théon, le sentiment d’Hipparque et de Ptolémée.

Thémistius (317-383) avait composé des commentaires au De Cælo d’Aristote ; ces commentaires, nous l’avons dit, ont eu une assez singulière fortune ; ils furent traduits du Grec en Syriaque, du Syriaque en Arabe, de l’Arabe en Hébreu ; à la Renaissance, un juif de Spolète, Moïse Alatino, les mit en Latin ; jusqu’à ces dernières années, cette dernière version latine nous était seule parvenue[2] ; depuis peu, la version hébraïque qui avait été faite, en 1284, par Zerahjah ben Isak ben Schealtiel ha-Sefardi, a été

  1. Th. H. Martin, Mémoire sur cette question : La précession des équinoxes a-t-elle été connue avant Hipparque ? Ch. II, § 3.
  2. Themistii peripatetici lucidissimi Paraphrasis in libros quatuor Aristotelis de Coelo nunc primum in lucem edita. Moyse Alatino Hebraeo Spoletino Medico, ac Philosopho interprete. Ad Aloysium Estensem card. amplissimum. Venetiis, apud Simonem Galignanum de Karera. MDLXXIIII.