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LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES

Ibn Iounis, qui nous a conservé la lettre adressée par Thâbit ben Kourrah à Ishac ben Honein, ne dit pas un mot du mouvement de trépidation décrit par le De motu octavæ sphæræ liber, bien que la discussion de ce mouvement parût importante à l’objet de la Table Hakémite ; lomission est d’autant plus frappante que la même Table Hakémite cite, à plusieurs reprises, le Traité de l’année solaire de Thâbit.

Albyrouny nous donne, au sujet de ce Traité de l’année solaire, une précieuse indication.

Al Uftâd Aboul-Reihân Mohammed ben Ahmed Zein ed-Din al Birouni qui mourut en 1039, a laissé, parmi ses nombreux ouvrages, une Chronologie des peuples de l’Orient ; cette Chronologie nous apprend[1] qu’en une discussion sur la longueur de l’année tropique, Hamzah ben al Hhasan al Isfahani, qui écrivait à Bagdad au xe siècle de notre ère, invoquait, à l’appui de son opinion, un traité Sur l’année solaire de l’un des Trois frères, de Mohammed ben Mousa ben Shakir ; Albyrouny ajoute : « Le livre que Hamzah citait est le livre qu’on attribue à Thâbit ben Kourrah ; Thâbit, en effet, était élève de cette famille [des trois fils de Mousa ben Shakir] ; ce qui se peut lire en ce livre, il l’a tiré des enseignements de cette famille. L’objet de ce livre est de prouver l’inégalité et la différence qui affectent les années solaires par suite du mouvement de l’apogée ; à cause de cela, pour déterminer le moyen mouvement du Soleil en une de ces années solaires, il eût fallu que les révolutions eussent des durées égales et que les mouvements fussent proportionnels aux temps employés à les accomplir ; mais les seules révolutions qui ont paru à Thâbit garder une durée constante, ce sont les révolutions sur l’excentrique, comptées depuis le passage en un point donné de l’excentrique jusqu’au retour au même point… Mais ce n’est pas cette durée-là qu’on nomme année solaire… ».

Si Thâbit regardait comme constante l’année anomalistique, tandis qu’il attribuait à l’année tropique une durée variable, c’est assurément qu’il n’admettait pas la théorie de la précession des équinoxes telle que l’avaient formulée Hipparque et Ptolémée, telle que l’avaient admise Al Fergani et Al Battani ; c’est, vraisemblablement, qu’il substituait au mouvement continu et uniforme des points équinoxiaux, supposé par ces astronomes, un

  1. Albêrûnî, Chronologie orientalischer Völker, herausgegeben von Ed. Sachau ; Leipzig, 1876-1878, p. 52 — The Chronology of the oriental nations, an englisch version of the arabic text of the Athar-ul-Bakiya of Albiruni, translated with notes by Ed. C. Sachau, London, 1879, pp. 61-62.