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LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES

de donner à l’excursion du point équinoxial sur l’écliptique une amplitude de 21° 30′, il réduit cette amplitude exactement à 20° ; en outre, au lieu d’attribuer au phénomène d’accès et de recès une période de 4.171,5 années Juliennes, il admet que cette période vaut seulement 3.703,5 années lunaires ; enfin[1], il fait varier l’obliquité de l’écliptique, dans le même temps, entre 23° 33′ et 23° 53′.

Il est bien malaisé, après avoir lu ces témoignages concordants d’Al Bitrogi, d’Averroès, d’Aven Ezra et d’Aboul Hhassan, de ne point adopter l’opinion que voici :

Thâbit ben Kourrah s’est assurément occupé de l’hypothèse de l’accès et du recès ; en particulier, il a reconnu que, selon cette hypothèse, l’année tropique ne pouvait avoir une durée invariable. Mais ce n’est pas lui qui a donné à la théorie de la trépidation la forme qui devait, pendant plusieurs siècles, ravir l’assentiment des astronomes ; le Liber de motu octavæ sphæræ n’est pas de lui ; il est l’œuvre d’Al Zarkali ou d’un disciple de ce dernier.

Cette hypothèse fournit, en outre, l’explication d’une particularité embarrassante que présente le Liber de motu octavœ sphæræ. Cet ouvrage cite l’opinion d’Al Battani sur le mouvement des étoiles fixes ; les termes de cette citation, rapprochés de ceux qui sont employés dans l’Opus astronomicum, nous amènent à conclure que ce dernier ouvrage se trouvait sous les yeux de l’auteur du Liber de motu oclavæ sphæræ lorsqu’il a composé son opuscule. Mais Thâbit ben Kourrah est mort au mois de février 901 ; comment a-t-il pu connaître, et mentionner comme antérieur à ses propres recherches, l’Opus astronomicum d’Al Battani, où sont rapportées deux observations fondamentales faites à Antioche en janvier 901 et en août 901 ?

Pour expliquer cette étrangeté, M. Nallino est obligé de supposer que Thâbit ben Kourrah a eu en mains une première édition de l’Opus astronomicum, antérieure à celle dont la Bibliothèque de l’Escurial nous a conservé le texte arabe et qui a été traduite en latin par Platon de Tivoli, L’étrangeté disparaît d’elle-même si l’on suppose que le Liber de motu octavæ sphæræ n’est point l’œuvre de Thâbit, mais bien l’œuvre d’Al Zarkali.

Ajoutons qu’au Moyen Âge et à l’époque de la Renaissance, alors que la connaissance des écrits de Thâbit et d’Al Zarkali

  1. Aboul Hhassan, Op. laud., pp. 174-178 — Tout ce qu’Aboul Hhassan dit au sujet de la trépidation a donné lieu à des remarques fort inexactes de J. Sédillot (Aboul Hhassan, Op. laud., p. 150, en note) et de L. Am. Sédillot (L. Am. Sedillot, Supplément au Traité sur les instruments astronomiques des Arabes, Paris, 1845 ; pp. 31-32).