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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

s’unissait a une ignorance profonde des dates qui fixent les temps où ils vécurent, il n’était pas rare qu’on regardât l’auteur du De motu octavæ sphæræ comme un successeur de l’Astronome de Tolède. On marquait bien, par là, la parfaite concordance entre les théories de la précession admises par ces deux auteurs.

C’est ainsi que Pierre d’Abano, dans son Lucidator Astronomiæ, écrit[1], à propos du système de la trépidation : « Quelques-uns des astronomes qui sont venus ensuite ont développé davantage l’étude de ce mouvement ; ils ont construit à son sujet des tables, qui donnent chacune des différences qu’il produit ; c’est ce que fit surtout l’espagnol Archazel, constructeur des tables de Tolède, et ce qu’a entrepris enfin Thebit fils de Chora ».

Au seizième siècle, dans une ouvrage qui renferme d’intéressants renseignements historiques touchant la théorie de la précession des équinoxes, et dont nous aurons à parler plus longuement dans l’article suivant, Agostino Ricci semble[2] partager l’opinion de Pierre d’Abano et regarder Thâbit ben Kourrah comme postérieur à Al Zarkali.

De tous les faits que nous venons de réunir semble se dégager cette conclusion : le Liber de motu octavæ sphæræ n’est pas l’œuvre de Thâbit ben Kourrah, mais celle d’Al Zarkali ou de quelqu’un de ses disciples ; Al Zarkali est l’inventeur du mouvement de trépidation que l’auteur de cet écrit attribue à la sphère des étoiles fixes.

Nous trouvons encore, dans le traité d’Aboul Hhassan, un autre renseignement précieux sur l’œuvre astronomique d’Al Zarkali. Le douzième chapitre de ce traité commence en ces termes[3] :

« Les observations d’Al-Razkâl (Al Zarkali) ont fait connaître que l’apogée du Soleil avance dans la sphère étoilée [suivant l’ordre des signes] d’un degré en 299 années grecques, ce qui donne une minute environ pour 5 années arabes ; car il faut retrancher de cette progression près d’une minute après chaque période de 190 années arabes. »

Al Zarkali est donc le premier qui ait vraiment mis en évidence le mouvement propre que l’apogée solaire éprouve, d’Occident en Orient, par rapport aux étoiles fixes ; en outre, l’évaluation qu’il a donnée pour la vitesse de ce déplacement s’écarte fort peu de la

  1. Petri Paduanensis Lucidator Astronomiœ, differentia II. (Bibliothèque nationale, Ms. no 2598 latin, fol. 107, col. c.).
  2. Augustini Riccii De motu octavœ sphœrœ ; Imprimebat Lutetiæ Simon Colinæus 1521, fol. 6, verso.
  3. Aboul Hhassan, Op. laud., tome premier ; p. 132.