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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

« On observe, dans les marées, de l’irrégularité ou de la régularité selon la diversité des signes du Zodiaque ; en effet, lorsque la Lune se trouve dans les signes équinoxiaux, les propriétés des marées se régularisent (ὁμαλίζειν τὰ πάθη) ; au contraire, lorsqu’elle se trouve dans les signes solsticiaux, il se produit une dissemblance dans l’amplitude et dans la vitesse (ἀνωμαλίαν εἶναι ϰαὶ πλήθει ϰαὶ τάχει) ; chacun des autres signes exerce une influence en rapport avec sa proximité plus ou moins grande à ceux-là (τῶν δ’ ἄλλων ἐϰάστου ϰατὰ τοὺς συνεγγισμοὺς εἶναι τὴν ἀναλωγίαν).

Le sens de ce passage n’est pas entièrement clair, convient-il de l’interpréter ?

L’astronome auquel la théorie des marées a dû, de nos jours, ses plus grands progrès, Sir G. H. Darwin, en propose l’interprétation suivante[1], qu’adopte M. R. Almagià[2] :

« Quand la Lune est en un point équinoxial, elle est sur l’équateur ; quand elle est en un point solsticial, elle est à la grande distance de l’équateur, vers le Sud ou vers le Nord ; en d’autres termes, comme disent les astronomes, elle est à sa plus grande déclinaison méridionale ou septentrionale. Séleucus veut donc dire que, quand la Lune se trouve sur l’équateur, les marées qui se suivent en un même jour présentent deux flux égaux et deux reflux égaux ; mais lorsque la Lune est éloignée de l’équateur, cette succession régulière cesse d’avoir lieu ; en d’autres termes, l’inégalité diurne… s’annule lorsque la Lune est sur l’équateur et elle atteint son maximum quand la déclinaison lunaire est, elle-même, maximum. »

Si c’est bien là ce que Séleucus a voulu dire — et l’on ne voit guère quel autre sens raisonnable on pourrait donner aux paroles de Strabon — il est manifeste qu’il avait fait du phénomène des marées une analyse très détaillée.

Mais il ne s’en était pas tenu à cette étude expérimentale du flux et du reflux ; il avait tenté d’en donner une explication qu’il opposait à celle de Cratès.

Quelle était cette explication proposée par Cratès, qui fut le maître de Zénon ? Saint Jean Damascène[3] nous dit que Cratès indiquait la cause du mouvement oscillatoire (ἀντισπασμόν) de la mer ; mais il ne nous apprend pas quelle était cette cause. Plus

  1. G. H. Darwin, The tides and kindred phenomena in the solar System. London, 1901 ; pp. 76-77.
  2. Roberto Almagià, Op. laud., loc. cit., p, 395.
  3. Excerpta ex cod. ms. Florentino Sacrorum Joannis Damasceni, Pars II, cap. XXXVI (Stobaei Florilegium éd, Meineke, vol. IV, Litpsiæ, MDCCCLVII. Appendix, p. 244).