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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

courant dans le détroit de Messine et dans l’Euripe de Chalcide.

Ce dont Strabon ne nous a point parlé et dont Priscien va nous instruire[1], ce sont les considérations astrologiques, dans le goût des Chaldéens, par lesquelles Posidonius expliquait le flux et le reflux de la mer. Or cette explication nous montrera de nouveau que le philosophe stoïcien avait des idées fort justes sur chacune des périodes de la marée.

« Le stoïcien Posidonius, dit Priscien, observe que la cause de ces phénomènes est la Lune plutôt que le Soleil. Le Soleil, en effet, est un feu pur et d’une grande puissance ; aussi ce feu a-t-il tôt fait d’anéantir les vapeurs que le Soleil élève de la terre et de la mer. La Lune, au contraire, n’est pas un feu pur ; c’est un feu affaibli et atténué qui, par là même, exerce une action plus fertile sur les choses terrestres ; les choses sur lesquelles elle agit, elle ne les peut détruire : elle se borne à soulever les choses humides et à rendre fluide ce qui ne l’est pas ; [ces choses humides], elle les émeut par sa chaleur ; mais elle ne les fait pas décroître, parce que cette chaleur est faible et qu’une humidité excessive l’accompagne ; c’est pour cette raison, d’ailleurs, que les corps échauffés par la Lune entrent en putréfaction. » L’action du Soleil et celle de la Lune peuvent se comparer à celles qu’éprouve l’eau dans une marmite chauffée ; l’eau enfle sous l’influence d’une chaleur modérée, tandis qu’un feu ardent la consume. « De la part du Soleil, la grande mer éprouve ce que, dans la marmite, un feu violent fait éprouver à l’eau ; sur la mer, la Lune a une action semblable à celle que l’eau ressent d’un premier et faible échauffement. L’onde de la mer accompagne la Lune dans son mouvement circulaire, comme si elle était soulevée par elle. »

« L’eau, dit Posidonius, est de nature circulaire. » Qu’entend-il par là ? Nous le saurons en consultant les physiciens qui s’instruisaient par la lecture de ses ouvrages. Pline le Naturaliste cite volontiers Posidonius. Or, pour rendre compte de la figure sphérique de la mer, il fait observer[2] que les gouttelettes d’eau prennent spontanément la figure sphérique, et que, dans un vase plein, le liquide est terminé par une surface convexe.

Dans ses Questions naturelles, Sénèque écrit[3] : « Posidonius vous

  1. Priscien, loc. cit. ; éd. cit., p 571, col. a, et p. 572.
  2. C. Plinii Secundi De Mundi historia lib. II, cap. LXV. — Voir : Chapitre VIII, § VII ; t. I, pp. 478-476.
  3. Sénèque, Questions naturelles, livre IX, ch. III.