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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

affirmera, comme s’il l’avait vu de ses propres yeux, que la grêle est formée d’une nuée aqueuse, déjà même convertie en eau. Vous pouvez, sans maître, deviner la cause de sa rondeur, en observant que toute goutte d’eau se ramasse en globe. Cela se voit sur les miroirs qui condensent l’humidité de la respiration, sur les coupes humectées et, en général, sur toute surface polie ; si, à des herbes, à des feuilles d’arbre, des gouttes d’eau demeurent attachées, elles sont arrondies ».

Très certainement, donc, la Physique de Posidonius formulait ce principe : Par nature, l’eau prend une forme arrondie. De ce principe, elle faisait application à la théorie des marées. « Par suite de la nature circulaire de l’eau[1], l’onde, soulevée sous forme d’une sorte d’hémicycle, suit la Lune. »

« Chaque jour, déclarait également le Philosophe stoïcien, la Lune en fait autant lorsqu’elle s’en va sous la terre. » De ce flux opposé à la Lune, sa théorie ne rendait aucun compte ; les explications astrologiques y trouveront toujours une embarrassante énigme.

Venons à l’explication de la période mensuelle des marées. « Au moment de la pleine-lnne et au moment de la conjonction, l’onde est soulevée au maximum parce qu’alors réside, en la Lune, une grande puissance. Au moment de la pleine-lune, toute la face qu’elle tourne vers la terre est éclairée ; lors de la conjonction, sa partie supérieure est éclairée par le Soleil ; elle exerce alors sur les choses terrestres une force égale à celle qu’elle leur fait éprouver pendant la pleine-lune. »

« Les flux qui reviennent chaque année, au moment des équinoxes, ont aussi la Lune pour cause. Si, à l’heure où le Soleil se trouve soit dans la Balance, soit dans le Bélier, la Lune vient en syzygie avec lui, la Lune a une grande puissance… Ce pouvoir provient de la nature de la Lune. La Lune, en effet, est humide et chaude, et c’est par cette vertu que l’eau est soulevée. » Or l’hiver est humide et froid, l’été est sec et chaud ; ces deux saisons ne s’accordent donc pas en qualités avec la Lune ; « au contraire, le printemps et l’automne sont modérément humides et chauds ; la Lune leur ressemble donc beaucoup ». Il est, dès lors, naturel que la force de la Lune soit exaltée lorsque cet astre vient se placer dans un signe équinoxial, dans le Bélier ou dans la Balance.

Mais ce n’est pas seulement au voisinage de l’équinoxe de printemps ou de l’équinoxe d’automne qu’il arrive à la Lune de tra-

  1. Priscien. loc. cit.