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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

verser le signe du Bélier ou le signe de la Balance. Pourquoi donc les autres passages ne déterminent-ils pas, eux aussi, de grandes marées ? En voici la raison : « Lorsque le Soleil occupe un autre signe, la Lune, venant dans le Bélier ou dans la Balance, n’est ni pleine ni nouvelle. » L’accroissement de force que lui confèrent alors les signes du Zodiaque n’accompagne plus l’accroissement de force émané du Soleil.

Bien étranges sembleront sans doute ces considérations astrologiques ; ce sont elles, cependant, qui ont amené Posidonius à discerner la période annuelle de la marée et à en formuler la loi, que les renseignements reçus de Cadix n’auraient pas suffi à lui révéler.

L’action de la Lune sur les eaux de la mer s’exerce-t-elle directement ou bien l’air lui sert-il d’intermédiaire ? Profondément imbu des doctrines astrologiques des Chaldéens, Posidonius semble avoir admis la seconde hypothèse ; c’est, du moins, ce que semble dire une phrase de Saint Jean Damascène[1] : « Posidonius, écrit Jean de Damas, dit que les vents sont mis en mouvement par la Lune, et que, et que, par les vents, à son tour, est mue la mer en laquelle se produisent les effets dont nous venons de parler ».

Si Posidonius ne subordonnait pas la marée à une action préalable exercée par la Lune sur l’atmosphère, du moins pouvons-nous affirmer qu’il établissait un rapprochement étroit entre les marées et les troubles atmosphériques attribués à la Lune. Nous savons, en effet, que Cléomède s’inspire constamment de la Météorologie de Posidonius ; or, a deux reprises, Cléomède écrit[2] : « Non seulement la Lune détermine de grands changements dans l’air et tient en son pouvoir beaucoup de choses terrestres qui ont sympathie avec elle, mais encore elle est la cause du flux et du reflux de la mer ». Cléomède déclare, d’ailleurs, que la Lune tient cette puissance du Soleil qui l’éclaire ; cette doctrine s’accorde pleinement avec celle que professait la lettre Sur le Monde, avec celle que les Chaldéens semblaient admettre ; chaque corps céleste tient sa puissance de ceux qui sont au-dessus de lui.

Posidonius avait amené la théorie des marées à un point qu’elle ne dépassera guère avant le xvie siècle. L’enseignement de ce physicien eut, assurément, un grand retentissement dans le monde

  1. Excerpta ex cod. ms. Florentino Sacrorum Joannis Damasceni, Pars II, cap. XXXVI (Stobæi Florilegium, éd. Meineke, vol. IV, Lipsiæ, MDCCCLVII. Appendix, p. 244).
  2. Cleomedis De motu circulari corporum cœlestium libri duo ; lib. II, cap. I et cap. III ; éd. Hermann us Ziegler, Lipsiæ, MDCCCXCI, pp. 156-167 et pp. 178-179.