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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

hellène et, surtout, dans le monde romain. Nous n’énumérerons pas ici tous les auteurs grecs ou latins qui, sous l’influence plus ou moins directe de Posidonius, ont fait allusion à l’action exercée par la Lune sur le flux et sur le reflux de la nier ; le lecteur trouvera, dans le beau mémoire de M. R. Almagià, de nombreuses citations de ces auteurs. Nous arrêterons notre attention aux seuls propos de Pline l’Ancien et de Sénèque ; ils apporteront, en effet, quelques compléments à ce que nous savons déjà des doctrines de Posidonius.

Pline définit[1] exactement la marée diurne ; il omet de signaler la période de repos qui, selon Posidonius, sépare la marée descendante de la marée montante. « La Lune, dit-il, par une aspiration avide, traîne la mer après elle. »

La période mensuelle est, elle aussi, exactement décrite. Enfin la période annuelle est signalée en ces termes : « Les flux s’enflent davantage aux équinoxes, et à l’équinoxe d’automne plus qu’à l’équinoxe de printemps. Ils sont, au contraire, faibles au solstice d’hiver, et plus faibles encore au solstice d’été ».

À cette période, Pline en joint une dont il n’avait pas été question jusqu’ici ; « Au bout de huit ans, la centième lunaison ramène la mer au principe de son mouvement et lui rend des accroissements égaux ». Le cycle luni-solaire de huit ans ou cent lunaisons, l’octaétéride, était, depuis bien longtemps, connu des Hellènes. Dès là que Pline trouve « dans le Soleil et dans la Lune la cause des marées », il est clair que cette période, en ramenant la même disposition du Soleil et de la Lune, doit ramener les mêmes flux et les mêmes reflux. Cette remarque avait-elle été faite par Posidonius ? Nous l’ignorons.

Le Naturaliste dit encore : « Lorsque la Lune est septentrionale et plus éloignée de la terre, les marées sont plus modérées ; lorsque la Lune est, au contraire, plus méridionale, elle produit, par son effort exercé de plus près (propiore nisu), une force plus considérable ». Pline croit évidemment que l’apogée de la Lune se trouve toujours dans l’hémisphère septentrional, et le périgée dans l’hémisphère méridional ; il montre, par là, qu’il a, du mouvement de la Lune, une idée entièrement fausse. L’erreur, d’ailleurs, ne saurait nous étonner d’un auteur qui, au moment même où il vient de déclarer que le flux et le reflux suivent le mouvement de la Lune, ajoute tout aussitôt que les flux et reflux sont séparés les uns des autres par des intervalles de six heures, et

  1. C. Plinii Secundi De mundi historia lib. II, cap. XCVII.