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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

précise que ces heures-là, au moment de l’équinoxe, divisent exactement en douze parties le jour et la nuit.

Pline est plus heureusement inspiré lorsqu’il dit encore : Les grandes marées des équinoxes « ne se manifestent pas exactement aux moments que j’ai indiqués, mais quelques jours plus tard ; elles ne se manifestent pas, non plus, au moment même de la pleine-lune ou de la nouvelle-lune, mais quelque temps après ; enfin le flot, ne commence pas exactement au lever ni au coucher de la Lime, ni le jusant à l’instant même où cet astre quitte le méridien, mais tous ces effets se produisent environ deux heures plus tard. En effet, l’efficacité de tout changement qui se passe au ciel atteint la terre un certain temps après que la vue a perçu ce changement ».

Il était essentiel de faire cette remarque si l’on ne voulait point être choqué du désaccord entre les faits observés et les lois formulées par Posidonius.

Sénèque est aussi médiocre savant que Pline. Ce qu’il dit de bon dans ses Questions naturelles, il le tient d’autrui, bien incapable de le tirer de son propre fonds ; à chaque instant, d’ailleurs, on retrouve sous sa plume le nom de Posidonius, son inspirateur.

Sénèque professe[1] un fatalisme absolu : « L’ordre des choses est, dans sa révolution, mené par la suite éternelle du Destin, et la première loi du Destin, c’est que ses décrets sont immuables. Ordinem rerum fati æterna series rotat, cujus hæc prima lex est, stare decreto ».

De ce fatalisme découle la possibilité de prévoir, d’après les événements présents, quels seront les événements à venir : « La série des destinées se développe[2], mettant partout, d’avance, des signes de l’avenir ; mais parmi ces signes, il en est qui nous sont familiers tandis que d’autres nous sont inconnus. Tout ce qui arrive est le signe de quelque événement futur ; il n’y a que les choses fortuites, celles qui errent sans raison, pour échapper à la divination. Toute chose qui est dans l’ordre est susceptible d’être prédite (Cujus rei ordo est, etiam prædictio est) ».

Si donc les Chaldéens se trompent souvent dans leurs divinations, ce n’est pas que le déterminisme absolu, dont leur art se réclame, doive être nié. C’est seulement que leur science trop courte est inhabile à tenir compte de toutes les causes. « L’ob-

  1. Sénèque, Questions naturelles, livre II, ch. XXXV.
  2. Sénèque, Questions naturelles, livre II, ch. XXXII.