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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

empêche de se disperser à l’infini. Grâce à cette force, que les disciples de Valentin nomment le Terme (Ὅρος), la Sagesse rentra en elle-même, se rendit compte que le Père était incompréhensible, renonça à son intention première et fut délivrée de la souffrance qu’elle avait éprouvée.

« Quelques-uns d’entre eux[1] racontent ce qui suit au sujet de cette souffrance de la Sagesse et de son retour sur elle-même : Comme elle avait tenté une œuvre impossible et incompréhensible, elle accoucha d’une substance informe (τεϰεῖν οὔσιαν ἄμορφον), d’une nature semblable à ce qu’une femme seule pouvait enfanter. »

« Cette pensée de la Sagesse supérieure[2], ils la nomment Achamôth (Ἀχαμώθ)… Ils disent[3] qu’elle est devenue le support et la substance de la matière dont ce monde a été formé. — Ταύτην σύστασιν ϰαὶ οὕσιαν τῆς ὕλής γεγενῆσθαι λέγουσιν, ἐξ ἦς ὄδε ὁ ϰόσμος συνέστηϰεν. »

Le Christ[4] vient alors au secours d’Achamôth ; il lui envoie le Paraclet avec les anges qui lui sont coéternels. Ceux-ci font, dans Achamôth, le départ cuire les passions et la conversion qu’y ont laissées les deux mouvements successifs de la Sagesse, mouvement d’exaltation personnelle et mouvement de retour sur elle-même. « Ils en font deux substances ; au moyen des passions, une substance mauvaise, et, au moyen de la conversion, une substance sujette aux passions. — Πρὸς τὸ γενέσθαι δύο οὑσίας, τὴν φαύλην [ἐϰ] τῆς ἐπιστροφῆς ἐμπαθῆ ».

« La substance[5] issue de la passion, c’est la matière ; la substance issue de la conversion, c’est ce qui est animé. — Τὸ μὲν ἐϰ τοῦ πάθους, ὅ ἧν ὕλη, τὸ δὲ ἐϰ τῆς ἐιστροφῆς, ὃ ἧν τὸ ψυχιϰόν ». Aux choses formées à raide de cette substance animée, les Valentiniens donnent Le nom de choses droites ; les choses gauches, sinistres, sont, pour eux, celles qui sont issues de la passion et de la matière, ἐϰ τοῦ πάθους ϰαὶ τῆς ὕλης.

Cette substance matérielle mauvaise est, disent les Valentiniens[6], formée de trois passions : la crainte, la tristesse et l’indigence. De la crainte sont nés deux éléments[7] ; la terre provient de la fixité que produit la terreur, l’eau du mouvement que détermine

  1. S. Irénée, loc. cit., 3 ; éd. cit., coll. 456-457.
  2. S. Irénæi, Op. laud., lib. I, cap. IV, I ; éd. cit., coll. 479-480.
  3. S. Irénée, loc. cit., 2 ; éd. cit., coll. 481-482.3
  4. S. Irénæi, Op. laud., lib. I, cap. IV, 5 ; éd. cit., coll. 485-490.
  5. S. Irénæi, Op. laud., lib. I, cap. V, 1 ; éd. cit., coll. 491-492.
  6. S. Irenæi, Op. laud., lib. I, cap. V, 4 ; éd. cit., coll. 497-498.
  7. S. Irénée, Op. laud. ; éd. cit., coll. 499-500.