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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

nature de la magnésie est lunarisée (σεληνιάζεται) ; elle devient, tout entière, de l’espèce lunaire (σεληνοειδής). »

À la vérité, le langage allégorique dont Zosime use sans cesse ne nous laisse pas toujours deviner si cet alchimiste prétend parler d’une influence sidérale ou raconter, en termes symboliques, une réaction chimique. Un philosophe nous dira plus clairement qu’on regardait, de son temps, les astres errants comme les causes génératrices des métaux ; il en prendra même occasion de rectifier, dans le sens des doctrines de Plotin, ce que l’opinion courante contenait, à son gré, d’erroné.

Dans son Commentaire au Timée, Proclus écrit[1] :

« Parlons en cette sorte, à la manière des physiciens (φυσιϰῶς) :

» L’or, l’argent, chacun des métaux, comme, d’ailleurs, chacun des autres minéraux, naît au sein de la terre, des dieux célestes et de l’effluve qui en est issue ; on dit donc que l’or appartient au Soleil, l’argent à la Lune, le plomb à Saturne et le fer à Mars.

» Assurément, ces corps tirent de là leur génération, mais ils se déposent au sein de la terre et ils ne laissent, aucune effluve s’échapper d’eux vers les astres ; ceux-ci, en effet, ne reçoivent rien des êtres qui résident dans la matière.

» En outre, tous les métaux proviennent de tous les astres ; mais autre est la nature particulière qui a la puissance dominante sur un métal, autre celle qui a semblable puissance sur un autre ; les uns sont soumis à la domination de Saturne, d’autres à la domination du Soleil ; c’est en portant leur attention sur cette influence dominante que les amateurs de ce genre de considérations ont fait remonter tel métal à telle nature particulière, tel autre métal à telle autre nature. Chaque métal n’est donc pas la propriété particulière d’un dieu ; ils sont tous communs à tous les dieux, car ils sont tous fils de tous ces dieux. Les métaux ne se trouvent pas, non plus, dans les dieux célestes, car les causes qui ont fait les métaux n’ont aucun besoin de ces métaux. Mais ils ont été, tous ensemble, coagulés ici-bas suivant le trajet de l’effluve émanée des dieux célestes. » Telle est la doctrine astrologique qu’au Ve siècle de notre ère, l’École néo-platonicienne d’Athènes proposait, aux Alchimistes, comme la forme épurée et précisée de leurs coutumières opinions.

L’écho des enseignements d’Alexandre d’Aphrodisias et de

  1. Procli Diadochi In Platonis Timœum commentarius. Edidit Ernestus Diehl, Lipsiæ, MCMIII. In Tim. 18 ; vol. I, p. 43.