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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Le feu et l’air subissent l’action du Soleil, l’eau et la terre celle de la Lune. Il est, en effet, deux raisons pour lesquelles le gouvernement des luminaires sur les choses de ce monde est plus manifeste que celui des étoiles. La première de ces causes concerne seulement le Soleil ; le Soleil est la plus grande des étoiles ; la Lune, au contraire, est le plus petit des corps célestes ; elle est, aussi, plus petite que la Terre. La seconde, c’est que les étoiles, tout en possédant une lumière, ne rayonnent pas ; aussi leur efficace consiste-t-elle surtout dans leur mouvement ; au contraire, les rayons des luminaires ne sont pas peu efficaces en ce monde ; les forces que, par leur mouvement, les luminaires ont reçu du monde supérieur, c’est par leurs rayons qu’ils les transmettent au monde inférieur ; aussi Hippocrate dit-il que la Lune est la médiatrice entre les corps du monde céleste et les corps du monde inférieur ; c’est par l’intermédiaire de cet astre, assure-t-il, que les forces de ceux-ci sont transmises à ceux-là.

» De même, donc, que le Soleil prévaut lorsqu’il s’agit de tempérer la nature et de composer les choses, de même, la Lune est plus efficace pour gouverner les mouvements des eaux, l’état et les accidents des corps, les germes, les fruits, les odeurs et autres choses de ce genre. De ces effets, nous commencerons l’énumération par les flux et les reflux alternatifs de la mer.

» Comme les accroissements et décroissements de la mer sont divers, il en résulte qu’il règne, dans les diverses nations, au sujet de ce phénomène, des opinions différentes ; ainsi se trouve-t-il des gens pour soutenir qu’il y a flux depuis le moment où les luminaires se séparent jusqu’au moment de l’opposition, et qu’il y a, ensuite, reflux jusqu’à l’instant de la conjonction.

» Mais ce qui est certain pour tout le monde, c’est qu’au moment du lever de la Lune, le flux commence pour la mer sur laquelle cet astre se lève, et qu’il dure jusqu’à ce que la Lune atteigne le méridien de ce lieu ; que le reflux suit alors jusqu’au coucher de la Lune. C’est ce qui a lieu dans le golfe Persique, dans l’Océan indien, dans la mer qui baigne l’Ethiopie ; c’est ce qui est d’usage quotidien dans les îles de l’hémisphère océanien.

» Aussitôt que la Lune émerge au-dessus de l’horizon d’une mer, le flux commence et, dans sa croissance, il suit la Lune jusqu’à ce qu’elle parvienne au méridien. Aussitôt que la Lune franchit cette ligne pour descendre vers l’occident, le jusant succède au flot ; dans son décroissement, le reflux suit la Lune jusqu’à ce qu’elle se couche ; aussitôt la Lune couchée, le reflux reprend et