Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
379
LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

croît jusqu’à ce que l’astre, sous la terre, passe au méridien ; la Lune s’écartant de ce méridien, le reflux succède une seconde fois au flux et dure jusqu’au lever de la Lune.

» Chaque jour, donc, il se produit, [en un lieu], deux flux et deux reflux ; leurs époques varient selon la variété du cours diurne de la Lune et les positions diverses des méridiens des lieux par rapport à l’orbite lunaire. De même, en effet, que la brumeuse ceinture des mers entoure le globe de la terre, de même les circulations quotidiennes de la Lune embrassent cette terre. À chaque instant, pour quelque partie de la terre ou des mers, la Lune est à une certaine hauteur au-dessus de l’horizon, tandis que, pour d’autres parties, elle est à d’autres hauteurs. À la même heure, à la même minute, elle se couche pour les uns et se lève pour les autres ; pour les uns, elle est au méridien du ciel, pour les autres, au méridien au-dessous de la terre. Aussi, au même moment, les uns ont-ils le flux, les autres le reflux.

» Le flux et le reflux, d’ailleurs, ne se manifestent pas, en tous lieux, de la même manière. Ceux qui naviguent, en pleine mer sentent la venue du flux par une sorte de fièvre des ondes ; secouée par nn bouillonnement profond, l’eau imprime au vent une violente impulsion et le fait souffler en tempête, tandis que toute la surface de la mer est assombrie ; l’apaisement de ces effets leur révèle le reflux. Il en est tout autrement pour ceux qui, pendant ce temps, habitent les rivages. Ce qui parvient jusqu’à eux, ce n’est point cette lièvre de l’eau ni ce vent ; c’est un gonflement des ondes et une sorte de débordement ; et, selon la diversité des lieux, la variété de ces mouvements est si grande que certaines personnes se refusent à regarder la Lune comme cause de ces mouvements… »


Au chapitre V, intitulé : De la cause du flux et du reflux[1], Abou Masar tente de rendre compte de ces différences locales de la marée quotidienne, et aussi de dire la cause de cette marée. À ce sujet, il s’exprime en ces termes ;

« Le mouvement très fréquemment répété de la Lune qui se lève et se couche au-dessus de la mer tire les eaux par une force provenant d’une sorte de parenté (Motus autem lunæ desuper orientis atque occidentis sæpius repetitus cognata virtute ejusmodi aquam trahit.) En suivant spontanément cette traction, quem tractum sponte sequens », la mer s’élève jusqu’à envahir les rivages.

  1. Albumasaris Introductarium, lib. III, cap. V ; éd. cit., fol sign. c. vo, et fol. sign. c 2 ro.