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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

Il est donc des sages[1] « que la renommée la plus brillante loue d’avoir compris et suivi avec plus de pénétration et d’exactitude que tous les autres la pensée de ce Platon qu’on met fort au-dessus des autres philosophes païens, et à juste titre ». Or, parmi les penseurs païens « nul ne s’est approché de nous autant que ceux-là[2] ». Ils sont donc, parmi les Gentils, les seuls qui méritent de retenir l’attention des Docteurs chrétiens.

De la ressemblance qu’ils constataient entre les opinions platoniciennes et la doctrine de l’Église, nombre de Chrétiens proposaient une explication qui conférait à l’enseignement de Platon une très forte autorité.

De bonne heure, les Chrétiens avaient conçu cette pensée : Tout ce que les écrits des Païens contiennent de vrai en Théologie et en Morale a été tiré des Livres Saints par les auteurs de ces écrits. Les emprunts que, sous leurs yeux, le Néo-platonisme faisait journellement aux dogmes judéo-chrétiens étaient bien propres à les confirmer dans cette croyance.

Cette croyance, Tertullien la professe ouvertement. « Quel est le poète, dit-il[3], quel est le sophiste qui ne s’est pas abreuvé à la source des prophètes ? C’est de cette eau que les philosophes ont étanché la soif qui dévorait leur intelligence… Mais ces hommes n’avaient de passion que pour la gloire et l’éloquence. S’ils trouvaient dans les écrits sacrés quelque chose qui leur convint, ils le détournaient dans le sens de leurs propres opinions et le faisaient servir à l’objet de leur curiosité. Ils n’avaient pas assez de foi dans la divinité de ces livres pour ne les point interpoler. Ils ne pouvaient comprendre aussi bien qu’on le fait aujourd’hui des passages alors obscurs, où se rencontraient des ombres même pour les Juifs, dont ces livres semblaient être, cependant, la propriété… Il ne faut pas s’étonner que l’ingéniosité des philosophes ait changé le sens de ces vieux textes ; des hommes issus de la graine qu’ils ont semée ont bien altéré, à l’aide de leurs opinions personnelles et pour l’accommoder à leurs systèmes philosophiques, cette parure nouvelle qui est la nôtre ; le grand chemin qui était unique, ils l’ont subdivisé en une foule de sentiers tortueux qu’on ne saurait parvenir à démêler ».

Nous dirons bientôt comment les doctrines des Stoïciens sur l’ἐϰπύρωσις, ; et le ϰαταϰλυσμός qui doivent, alternativement, embraser et submerger le Monde, semblaient aux Clément d’Alexandrie,

  1. S. Aurelii Augustini Op. laud., lib. VIII, cap. IV.
  2. S. Aurelii Augustini Op. laud., lib. VIII, cap. V.
  3. Q. Sept. Flor, Tertulliani Apologeticus adversus gentes, cap. XLVII.