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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

pone des ressemblances assez frappantes « pour qu’il lui soit difficile d’admettre que Platon ait ignoré les livres de Moïse ». Toutefois, il se garde de toute affirmation et se contente de cette prudente conclusion[1] : « Il importe peu de savoir où Platon a appris ces vérités, soit qu’il les ait tirées des livres que les Anciens avaient composés avant lui, soit qu’il les ait connues de la manière qu’indique l’Apôtre : « Ce qui est [naturellement] connu de Dieu se lit manifestement dans leurs écrits, car Dieu le leur a manifesté : depuis la création du Monde, en effet, ses caractères invisibles sont perçus par le regard de l’intelligence, au moyen des choses créées ; et il en est de même de sa puissance éternelle et de sa divinité ».

Les savants chrétiens qui sont venus après Saint Augustin n’en ont pas toujours imité la prudente réserve ; pour plusieurs d’entre eux, il est demeuré certain que divers philosophes de l’Antiquité et, en particulier, Platon, avaient lu la Bible et s’en étaient inspirés. Jean Philopon n’hésitera pas à développer cette pensée[2] qu’en ce qu’il a dit de la création du Monde, « Platon, cette fleur de la Philosophie, τὸ τῆς φιλοσοφίας ἄνθος ὁ Πλάτων », a maintes fois imité Moïse. Nous l’entendrons même aller plus loin et prétendre qu’Hipparque et Ptolémée ont emprunté à Moïse l’hypothèse du neuvième ciel.

Dès là que Platon passait pour avoir tiré certaines de ses opinions des livres de Moïse, le Platonisme apparaissait comme une philosophie apparentée à la doctrine de l’Église ; ce que les Platoniciens avaient tiré des enseignements bibliques, les Chrétiens pouvaient légitimement le revendiquer ; ils pouvaient le reprendre en l’infléchissant dans le sens de l’orthodoxie. D’ailleurs, si l’origine biblique de la Théologie de Platon était douteuse, l’influence du Judaïsme et du Christianisme sur l’enseignement de ceux qui se nommaient Platoniciens n’était pas contestable. Le Néo-platonisme se montrait donc, aux yeux des Chrétiens qui voulaient philosopher, comme la seule secte de la Sagesse païenne avec laquelle il leur fût possible et permis de contracter alliance. Comment et dans quelle mesure cette alliance pouvait être profitable à la manifestation de la vérité catholique, les divers écrits de Saint Augustin le mettaient en évidence.

Les Pères de l’Église, donc, et leurs contemporains, regardèrent le Néo-platonisme comme le seul système philosophique

  1. S. Aurelii Augustini Op. laud., lib. VIII, cap. XII.
  2. Joannis Philoponi De orificio mundi liber primus, cap. II : éd. Gualterus Reichardt, Lipsiæ, MDCCCXCVII, pp.4-7.