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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

qu’il fût possible et utile de concilier avec le dogme. Jusqu’au milieu du xiie siècle, la même pensée devait être admise sans conteste dans les écoles de la Chrétienté latine. Jusqu’à ce temps, nous l’avons dit, les maîtres du Moyen Âge ne devaient, d’Aristote, connaître que l’Organum ; parmi les traités où s’étaient expliquées les Métaphysiques païennes, ils ne devaient lire que des ouvrages latins écrits par des Néo-platoniciens, par Chalcidius, par Martianus Capella, par Macrobe ; ils ne pouvaient donc songer à marier à leurs croyances chrétiennes à une philosophie qui ne se réclamât point du nom de Platon ; qu’il fût, d’ailleurs, possible et désirable d’emprunter au Néo-platonisme certains de ses enseignements pour jeter plus de lumière sur le dogme chrétien, ils en étaient convaincus par l’exemple de ce Denys, qu’ils prenaient pour l’Aréopagite converti par Saint Paul ; plus encore, et depuis plus longtemps, ils en étaient convaincus par l’exemple de Saint Augustin. Aux systèmes que le haut Moyen Âge a vu naître de l’union du Néo-platonisme avec le Christianisme, on donne souvent le nom collectif d’Augustinisme ; aucune désignation ne saurait être choisie avec plus de justesse.


III
LA PHYSIQUE DE CHALCIDIUS

De la Philosophie antique, les Pères et, particulièrement, les Pères de l’Église grecque, pouvaient aisément prendre connaissance en lisant les œuvres de ceux mêmes qui l’avaient créée. Sans doute le liront-ils parfois ; mais souvent aussi, ils durent se contenter de chercher la Sagesse antique dans des livres qui la présentaient simplifiée et résumée, dans des livres écrits pour ceux que le xviie siècle eût appelés les honnêtes gens.

Ainsi voyons-nous Saint Augustin, à côté de Plotin, de Jamblique et de Porphyre, citer[1], comme « platonicien de grande autorité, l’Africain Apulée, également versé dans la langue grecque et dans la langue latine ». Or c’est une simple œuvre de vulgarisation que l’œuvre philosophique d’Apulée. Les trois livres De dogmate Plalonis sont, comme leur titre l’indique, un exposé sommaire de la doctrine de Platon ; en particulier, le premier livre, consacré à la Physique, résume le Timée. Au traité Du Monde,

  1. S. Aurelii Augustini De Civitate Dei lib. VIII, cap. XII.