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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

lités ou vertus sont au nombre de quatre, deux à deux opposées : ce sont la chaleur et le froid, l’humidité et la sécheresse.

« Il faut enfin des substances en lesquelles résident ces vertus ; ces substances sont le feu et l’eau, l’air et la terre. Les substances diffèrent des vertus. Les substances, en effet, peuvent être corrompues les unes par les autres ; les vertus, au contraire, ne peuvent être ni corrompues ni engendrées, car, par nature, elles sont dépourvues de corps… »

« Le feu est sec et chaud ; l’air est chaud et humide ; l’eau est humide et froide ; la terre est froide et sèche. La chaleur est commune à l’air et au feu, l’humidité à l’eau et à l’air, le froid à la terre et à l’eau, la sécheresse au feu et à la terre… Selon les vertus qui leur sont communes, leurs substances persistent ; elles se transmuent selon les vertus qui leur sont propres, toutes les fois qu’une vertu est vaincue par la vertu contraire… Ainsi se font les générations et les transmutations des substances les unes en les autres. Mais le corps qui sert de sujet à ces changements, le corps qui les reçoit est ce quelque chose qui est capable de toutes [les formes], et qui est, en puissance, la première des choses tangibles.

» Les transmutations se produisent ou bien de la terre au feu, ou du feu à l’air, ou de l’air à l’eau, ou de l’eau à la terre. Elles se produisent de l’une de ces substances à l’autre lorsque l’une des deux qualités contraires qui se trouvent en ces substances est corrompue, tandis que demeure la vertu qui leur est commune et qui les rapproche. Il se produit donc une génération toutes les fois qu’il y a disparition d’une répugnance [entre qualités]. Le feu, par exemple, est chaud et sec, tandis que l’air est chaud et humide ; la chaleur est commune à ces deux corps ; mais la sécheresse est propre au feu et l’humidité à l’air. Lors donc que l’humidité de l’air l’emportera sur la sécheresse du feu, le feu se changera en air ». Et ainsi de suite pour toutes les transmutations analogues.

Nous reconnaissons sans peine en ces passages du Pseudo-Ocellus les pensées, et jusqu’aux expressions que Chalcidius a reproduites.

Ce n’est plus au Stagirite ni au prétendu Ocellus, c’est au Timée de Platon, dont il écrit le commentaire, que Chalcidius emprunte une autre théorie sur les éléments.

Platon s’était exprimé en ces termes[1] :

  1. Platonis Timœus, 32 (Platonis Opera, éd. Didot, t. II, p. 206). Cf. Tome I, pp. 29-30.