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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

« Dieu a placé l’air et l’eau comme intermédiaires entre le feu et la terre ; autant que faire se pouvait, il a établi entre ces éléments, pris deux à deux, un même rapport, de telle sorte que ce que le feu est à l’air, l’air le fût à l’eau ; que ce que l’air est à l’eau, l’eau le fût à la terre. »

C’est cette courte indication que Chalcidius s’est plu à interpréter et à développer[1].

Entre les deux corps extrêmes, le feu et la terre, il admet l’existence de deux corps intermédiaires. « Voulons-nous rechercher quel est l’élément qui avoisine le feu et par quelle réunion de qualités il est constitué ? Empruntons, tout d’abord, deux qualités au feu, la subtilité et la mobilité ; ensuite, prenons-en une à la terre, la privation d’acuité pénétrante (obtusitas) ; nous aurons trouvé la génération du second élément, de celui qui réside au-dessous du feu, et qui est l’air ; l’air en effet est obtus, subtil et mobile. Considérons maintenant la production de l’élément qui est proche de la terre, c’est-à-dire de l’eau ; prenons, à cet effet, deux vertus terrestres, l’absence d’acuité (obtusitas) et la densité [corpulentia] ; prenons, d’autre part, une vertu du feu, la mobilité ; nous obtiendrons la substance de l’eau, qui est un corps obtus, dense et mobile. Ainsi entre le feu et la terre, l’air et l’eau sont engendrés par l’union de vertus empruntées aux extrêmes et, par là, la continuité du Monde est assurée. Une proportion géométrique, dans le rapport qui convient à une telle continuité, est ainsi conservée. Le feu est à l’égard de l’air ce que l’air est à l’égard de l’eau et ce que l’eau est à l’égard de la terre ; et inversement, la terre est à l’égard de l’eau ce que l’eau est à l’égard de l’air et ce que l’air est à l’égard du feu ».

Ces pensées de Chalcidius, nous en trouverons bientôt le développement dans un écrit de Saint Grégoire de Nysse.

  1. Chalcidii V. C. Commentarius in Timœum Platonis XXII (Fragmenta philosophorum grœcorum. Collegit F. A. Mullachius. Vol. II, p. 185. Parisiis, A. Firmin-Didot, 1867).