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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

pone avait étudié les ouvrages[1], il faut choisir le jour, parce que la position des astres, qui est différente aux divers moments de la duree, a domination sur tous les corps terrestres, qu’ils soient animés ou inanimés (quia terrenis omnibus corporibus, sive animantibus, sive non animantibus, secundum diversitates temporalium momentorum, siderum positio dominatur) ».

D’ailleurs, les contemporains de Saint Augustin identifiaient communément le destin avec cette rigoureuse domination que les astres exercent sur les choses d’ici-bas. « Lorsque les hommes[2] entendent parler du destin (fatum), ils ne comprennent, selon le langage habituellement usité, rien d’autre que la force exercée par la position des astres (vis positionis astrorum), par celle qu’ils occupent, par exemple, au moment de la naissance ou de la conception d’un homme ».

La foi chrétienne de Saint Augustin se refuse, bien entendu, à recevoir cette croyance au fatalisme absolu imposé par le cours des astres.

Que les astres puissent exercer certaines actions sur les choses matérielles d’ici-bas, il ne le conteste pas ; aussi bien, certaines de ces actions lui paraissent manifestées par l’observation ; mais ce à quoi il ne saurait consentir, c’est à soumettre les volontés libres des hommes aux influences des corps célestes : « On pourrait[3] sans une absurdité absolue (non usquequaque absurde), dire que les influences astrales ont une certaine action, mais seulement sur les diverses propriétés des corps ; ainsi voyons-nous les saisons de l’année changer selon que le Soleil s’approche ou s’éloigne [du tropique] ; ainsi voyons-nous certaines sortes de choses croître ou décroître selon que la Lune croît ou décroît ; tels les oursins, les coquillages et les étonnantes marées de l’Océan. Mais les décisions volontaires de l’âme ne sauraient être, elles aussi, subordonnées aux positions des astres ».

Ces quelques lignes sont dignes de remarque ; elles tracent, en quelque sorte, le plan de la conduite que la plupart des docteurs chrétiens du Moyen Âge tiendront à l’égard de l’Astrologie judiciaire ; ils laisseront les hommes libres de croire que les astres ont pouvoir sur les transformations de la matière sublunaire et, bien souvent, ils le croiront eux-mêmes ; mais, à ce pouvoir, ils entendront soustraire le libre arbitre de l’homme et la grâce de Dieu.

  1. S. Aurelii Augustini Op. laud.., lib. V, cap. VII.
  2. S. Aurelii Augustini Op. laud.., lib. V, cap. I.
  3. S. Aurelii Augustini Op. laud.., lib. V, cap. VI.