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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

ciel. Je ne parle pas du temps qui est formé d’heures, de jours, de mois et d’années ; ces mesures des durées, qu’on nomme communément et proprement des temps, il est manifeste qu’elles ont commencé avec le mouvement des astres ; aussi Dieu, en formant les astres, a-t-il dit : Qu’ils servent de signes pour marquer les temps, les jours et les années. Je parle du temps qui consiste en un mouvement accompagné de changement, mouvement au cours duquel, à un état antérieur, succède un état postérieur différent, parce que ces deux états ne peuvent coexister ; si donc, avant que le ciel ne fût, il s’est rencontré quelque chose de tel dans les mouvements des auges, le temps, a existé, lui aussi, avant le ciel, et, dès leur création, les anges se sont mus dans le temps ; mais, de cette manière encore, ils ont été de tout temps, puisque le temps a été créé avec eux. Or se trouvera-t-il quelqu’un pour nous dire que ce qui a été de tout temps n’a pas toujours (semper) existé ? »

Dans ce sens, avoir toujours existé, c’est-à-dire avoir existé de tout temps, ce n’est point du tout être coéternel à Dieu. Sans nier la création des anges, sans leur attribuer l’éternité divine, on peut fort bien prétendre qu’ils ont existé toujours, c’est-à-dire de tout temps. « Nous ne nions pas non plus que le temps ait été créé, et cependant, nul n’en doute, le temps a été de tout temps… Puis donc que nous affirmons que le temps a été créé bien que nous disions du temps qu’il a toujours été, parce que, de tout temps, le temps a existé, nous pourrons, sans nier que les anges aient été créés, dire qu’ils ont toujours été ; car si nous disons qu’ils ont toujours existé, c’est parce qu’ils ont existé de tout temps ; et s’ils ont existé de tout temps, c’est parce que le temps ne pouvait aucunement être sans eux. Là, en effet, où il n’y a aucune créature dont les mouvements, accompagnés de changements, puissent produire un temps, le temps ne saurait aucunement exister ».

La conclusion de Saint Augustin n’eût pas été reçue d’Aristote, qui croyait le mouvement éternel, et le temps avec lui ; mais l’analyse qui a fourni cette conclusion s’est inspirée de l’esprit péripatéticien. Tout ce qu’Aristote a dit pour établir que la grandeur du Monde est finie, il aurait dû, semble t-il, le répéter de la durée de l’Univers ; il eut alors été conduit à la théorie du temps que propose l’Évêque d’Hippone et par laquelle il évite les principales objections des Néo-platoniciens contre l’innovation du Monde.

Il ne les évite pas toutes.

S’il affirme que le Monde n’a pas été créé dans le temps, mais