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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

tion : La croyance à l’innovation du Monde suppose Dieu capable de changement. Venons au cinquième argument[1] :

« Si le temps existe avec le ciel et le ciel avec le temps, le ciel n’existe pas lorsque le temps n’existe pas, et le temps n’existe pas lorsque le ciel n’existe pas. Mais il n’est pas arrivé que le temps ne fût pas, et il n’arrivera pas que le temps ne soit pas. Il est arrivé que le temps ne fût pas, c’est une proposition toute semblable à celle-ci : Il a été un temps où le temps n’était pas (Εἰ γὰρ ἦν ὅτε οὐϰ ἦν χρόνος, ὡς ἔοιϰεν ὅτε οὐϰ ἦν χρόνος ἦν χρόνος)… Assurément, donc, le temps est toujours. Mais le ciel existe avec le temps et le temps avec le ciel, car le temps est la mesure du mouvement du ciel comme l’éternité est la mesure de la vie qui vit par elle-même… Le ciel existe donc [toujours] comme le temps, puisqu’il est engendré avec le temps, puisqu’il n’est engendré ni avant le temps ni après le temps ; il a été, il est et il sera, comme on dit, de tout temps. »

Cet argument est bien celui que Saint Augustin avait déclaré mal fondé. Jean Philopon le déclare aussi, mais sa discussion n’a pas la pénétrante précision que l’Évêque d’Hippone savait mettre en ses analyses.

Dans ces locutions : quand le temps n’était pas, quand le temps ne sera plus, il conteste[2] que le terme : quand (ποτέ) désigne un temps. « Lors donc qu’on dit : quand le temps n’était pas, ou : quand le temps ne sera plus, par ce mot : quand, on ne désigne pas un autre temps dans lequel le temps n’était pas encore ou dans lequel le temps ne sera plus ; on marque simplement que le temps n’existe pas toujours et qu’il n’existe pas, non plus, jamais ».

« En disant[3] : Il arrivera un moment (ποτέ) où le temps ne sera pas, ou ne doit pas, par ce moment (ποτέ), entendre un temps, mais bien le terme du temps (τοῦ χρόνου πέρας), terme à partir duquel le temps cessera d’être. De même, en disant : À un certain moment (ποτέ), le temps a été engendré, et il n’a pas existé de toute éternité, on doit entendre par là le commencement du temps, le premier point (σημεῖον) ou l’instant (τὸ νῦν) à partir duquel il a commencé d’exister. »

C’est bien la pensée de Saint Augustin ; mais, pour la rendre accessible aux Péripatéticiens, l’Évêque d’Hippone empruntait une comparaison à la Physique d’Aristote ; ce temps fini dont le com-

  1. Joannis Philoponi Op. laud., Πρόϰλου Διαδόχου λόγος πέμπτος ; éd. cit., pp. 103-104.
  2. Joannis Philoponi Op. laud., Λύσις τοῦ πέμπτου λόγου, β′ ; éd. cit., p. 106.
  3. Jean Philopon, loc. cit., γ′, éd. cit., p. 108.