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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

mencement n’a été précédé par aucun temps, il le comparait au volume de l’Univers, borné par une surface sphérique au delà de laquelle il n’y a plus aucune étendue. De cette comparaison, Jean d’Alexandrie ne fait point usage ; il était, cependant, endroit de s’en servir puisque, comme les Péripatéticiens, il admettait qu’aucun espace ne s’étend au delà de la sphère ultime[1].

Comme les Péripatéticiens, Philopon admettait que le Monde borné occupe, cependant, tout l’espace ; d’une manière toute semblable, tout en affirmant que le Monde a commencé, il accordera à Proclus que le Monde a duré et durera de tout temps[2] : « Le Monde, existe de tout temps, bien que l’existence du temps ait eu un commencement (ἐν παντὶ εἶναι τῷ χρόνῳ τὸν ϰόσμον, ϰἂν ἀρχὴν τοῦ εἶναι ἔχῃ ὁ χρόνος). Par là, le Monde est semblable à son modèle qui existe de toute éternité ».


XII
LA MESURE DU TEMPS SELON SAINT AUGUSTIN

Les considérations par lesquelles Saint Augustin nous veut faire concevoir que le temps a pu commencer sont, nous l’avons remarqué, tout imprégnées d’esprit péripatéticien ; elles construisent, du temps, une doctrine semblable à celle qu’Aristote a donnée du lieu ; cela ne veut dire en aucune façon que l’Évêque d’Hippone conçoive le temps de la même manière qu’Aristote ; celui-ci, en effet, traitait du temps, dans sa Physique, tout autrement qu’il n’avait parlé du lieu.

Nous ne nous étonnerons donc pas de voir Augustin, dans ses Confessions, émettre, au sujet de l’opération par laquelle nous mesurons le temps, des opinions que le Stagirite n’eût point avouées.

« Qu’est-ce donc que le temps ? Si nul ne me le demande, je le sais. Si on me le demande et que je le veuille expliquer, je ne le sais plus. — Quid est ergo tempus ? Si nemo ex me quærat, scio ; si quærenti explicare velim, nescio. » C’est par cette profonde parole qu’Augustin ouvre sa méditation sur la nature du temps[3].

Certains philosophes, exagérant la pensée d’Aristote, disaient[4] :

  1. Voir : Première partie, Ch. V, § XII ; t. I, p. 319.
  2. Joannis Philoponi Op. laud., Λύσις τοῦ πεντεϰαιδεϰάτου λόγου γ′ ; éd. cit., p. 559. Cf. : Λύσις τοῦ ὀϰτωϰαιδεϰάτου λόγου γ′ ; éd. cit., p. 618.
  3. Saint Augustin, Confessions, I, XI, ch. XIV.
  4. Voir : Première partie, ch. IV, § VIII ; t. I, p. 187.