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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

Au premier chapitre de ce traité[1], Grégoire parle des quatre éléments et de leurs mouvements. Sans qu’il le formule explicitement, il est aisé de conclure de son discours qu’il persiste à regarder les cieux et les corps célestes comme formés de feu, selon la tradition platonicienne. Il considère deux sortes de mobilités, l’aptitude au mouvement local et l’aptitude à la génération et à la corruption, et il développe cette pensée que plus un corps a reçu de la première mobilité, moins il lui a été donné de la seconde ; ce développement est continuellement inspiré par les enseignements d’Aristote sur la fixité de la terre et la mobilité des cieux.

« La divine et éternelle Puissance, dit Grégoire de Nysse, pénétrant toutes les choses qui ont été créées, les relie entre elles et les affermit, en modérant tout par des effets qui se cointre-balancent. C’est ce qu’on observe en ce qui touche le repos et le mouvement ; non seulement la génération des corps soumis au changement, mais encore l’immutabilité de ceux qui ne doivent pas changer, la Puissance divine les assure comme par une machine ; cette machine repose sur l’immobilité de ce que la nature contient de plus lourd et de moins apte au mouvement ; autour de cette sorte d’axe stable et très ferme, Elle lance sans cesse la très rapide circulation du Ciel, semblable à celle d’une roue sur son essieu et, par cette fixité comme par ce mouvement, Elle conserve à la fois à la terre et au Ciel une indissoluble subsistance. En effet, la matière qui tourne sans cesse comprime, par son mouvement très rapide, la terre autour de laquelle elle se meut, et en maintient la solidité ; la stabilité que la terre tient de sa ferme immobilité se communique continuellement aux circulations des corps qui tournent autour de la terre… Le Ciel donc et la terre s’opposent l’un à l’autre en ce qu’ils possèdent, dans une égale mesure, des efficacités contraires ; toute créature qui se trouve placée entre ces deux corps contraires participe, d’une certaine manière, des propriétés des corps qui lui sont contigus, et sa médiation établit un lien entre les extrêmes opposés… L’air, en effet, par la légèreté de sa nature, par la facilité avec laquelle il est mû, imite jusqu’à un certain point le feu, qui est

  1. D. Gregorii episcopi Nysseni De imagine sive creatione hominis liber, supplementum Hexaemeron Basilii Magni fratris, Dionysio Romano Exiguo interprete. Cap. I (Divi Gregorii episcopi Nysseni, fratris Basilii magni, Opera quae adipiscit licuit omnia. Basileæ, per Nic. Episcopium, MDLXII ; pp. 417-418). Au tome I des « livres de Saint Grégoire de Nysse, insérées par Aligne en sa Patrologia grœca, la feuille qui devrait contenir le début de ce traité a été oubliée par l’imprimeur.