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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

extrêmement subtil et sans cesse en mouvement ; et toutefois, il n’est pas constitué de telle sorte que nous ne lui reconnaissions aucune parenté avec les corps les plus solides ; il ne demeure pas toujours immobile, mais il ne coule pas et lie fuit pas sans cesse ; doué, à la fois, de l’une et de l’autre propriété, il se trouve rapproché, par quelqu’un de ses effets, de chacun des deux contraires ; en lui, se mêlent et se distinguent à la fois des qualités qui sont séparées par nature.

» Par la même raison, la substance liquide, douée d’une sorte d’amour qui tend à deux objets opposés, s’adapte aux deux natures contraires ; elle est pesante, elle se précipite vers le bas et, par là, elle est alliée d’une étroite parenté à la nature terrestre ; mais elle a la propriété de couler et de courir, et l’on reconnaît par là qu’elle n’est pas entièrement dépourvue de la nature mobile ; par cela même, il y a en elle une sorte de mélange et de concours des contraires…

» Je pense que toutes les choses que nous voyons en ce monde s’accordent ainsi par une mutuelle association ; nous voyons que toutes les créatures conspirent à l’unité, puisque nous reconnaissons cette tendance dans les propriétés des corps les plus opposés.

» Le mouvement de translation d’un lieu à un autre n’est pas le seul mouvement possible ; il existe également un mouvement de rotation sur place et un mouvement qui consiste en un changement de propriétés ; la nature stable [des corps célestes] ne peut aucunement éprouver ce mouvement d’altération. Aussi la sagesse de Dieu a-t-elle fait une sorte de compensation entre les propriétés de ces deux dernières sortes de mouvement ; à la nature qui ne peut éprouver de changement, elle a attribué le mouvement de rotation ; à celle qui peut éprouver des changements, elle a refusé le pouvoir de tourner sur elle-même ; sa Providence a dispensé les choses de la sorte, de crainte qu’on ne vît, en quelque créature, l’union de l’immutabilité et de l’immobilité, qui est le propre de la nature divine, et qu’on ne prît cette créature pour Dieu…

» La terre est donc immobile, mais elle est sujette au changement ; le Ciel, au contraire, n’est pas sujet au changement, mais il n’est pas immobile ; la Vertu de Dieu a attaché le pouvoir de changer à la substance immobile, la mobilité à la substance immuable. »

Lorsque Grégoire de Nysse, dans la page que nous venons de citer, montre comment l’air et l’eau participent à la fois, à des degrés divers, de la mobilité de la substance céleste et de l’immo-