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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

bilité de la terre, il est impossible de ne pas songer aux commentaires dont Chalcidius a accompagné le Timée ; il est également impossible d’oublier les considérations que développera l’astronome arabe Al Bitrogi (Alpetragius) ; ces considérations, nous le savons, ont pris leur source en la pensée grecque ; cette source communiquait peut-être avec celles auxquelles buvaient Grégoire de Nysse et Chalcidius.

Est-ce à ces sources que devait bientôt puiser Macrobe ? Ne s’inspirait-il pas plutôt, et directement, de Grégoire de Nysse, tout comme en sa théorie de la combinaison des éléments, il paraît s’être inspiré directement de Basile ? On se sent porté à recevoir cette dernière opinion lorsqu’on lit les lignes suivantes[1] qui offrent, avec le texte de l’Évêque de Nysse, plus encore qu’avec le Commentaire de Chalcidius, une si saisissante ressemblance.

« Autant il y a de différence entre l’eau et l’air par suite de la densité et de la gravité, autant il y en a entre l’air et l’eau par suite de la rareté et de la légèreté, autant il y en a entre l’eau et la terre… »

Assurément, entre la Physique néo-platonicienne et la Physique chrétienne, de mutuels et fréquents échanges se sont établis.

Ces échanges sont particulièrement évidents dans le traité Περὶ ἀνθρώπου composé par l’évêque d’Émèse, Némésius.

Némésius qui, d’ailleurs, a soin de citer Aristote, emprunte au Stagirite[2], au sujet des quatre éléments, des qualités qui les caractérisent, des combinaisons qu’ils peuvent former, des considérations semblables, de tout point, à celles que Saint Basile a développées. Il y joint[3] un résumé de la théorie par laquelle Platon, dans le Timée, compose chacun des quatre éléments à l’aide de l’un des polyèdres réguliers ; cette théorie, d’ailleurs, il l’avait pu tirer du troisième livre du De Cælo, où Aristote la présente et la réfute.

C’est aussi du De Cælo que s’inspire l’évêque d’Émèse, lorsqu’il indique[4] les raisons pour lesquelles Aristote forme les cieux d’une cinquième essence, distincte des quatre cléments. Il mentionne

  1. Ambrosii Theodosii Macrobii Commentariorum in Somnium Scipionis liber primus, cap. VI (Macrobius. Franciscus Eyssenhardt recognovit ; p. 491. Lipsiæ, 1868).
  2. Nemesii episcopi Emeseni De natura hominis cap. V [SS. Patrum Ægyptiorum Opera omnia. Præocedunt Philonis Carpasii, Asterii Amasesi, Nemesii Emeseni, Hieronymi Græci Scripta quæ supersunt, accurante J. P. Migne (Patrologiæ græcæ t. XL), coll. 611-622].
  3. Némésius, loc. cit. ; éd. cit., coll. 621-625.
  4. Némésius, loc. cit. ; éd. cit., coll. 625-632.