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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

à la Terre. Cette théorie, inspirée sans doute par la doctrine grecque dont Proclus et Simplicius ont fait mention, en diffère cependant en un point. Les Indiens s’imaginaient que des orbes contigus ne pourraient tourner indépendamment les uns des autres. Ils séparaient donc les sphères solides des divers astres par des intervalles vides dans lesquels ils plaçaient des billes destinées à assurer la liberté des diverses rotations. À cette supposition puérile, ils en joignaient une autre, fort arbitraire ; aux billes intercalées entre deux orbites, ils attribuaient exactement la même grosseur qu’à l’astre contenu en l’orbite inférieure.

Après avoir fait, connaître les nombres que cette théorie, empruntée aux Indiens, avait fournis à Iacoub ben Tariq, Albyrouny ajoute : « Cette opinion diffère de celle sur laquelle Ptolémée, dans son livre Al Manshourat a fondé le calcul des distances, opinion que les Anciens et les Modernes ont suivie. Le principe admis par ceux-ci est que la plus grande distance de chaque planète est égale à la plus petite distance de la planète suivante, et qu’il n’existe, entre leurs deux orbites, aucun espace inutile ».

Albyrouny, dans ses Éléments d’Astronomie[1], dit encore : « Les rapports des diamètres des planètes et des étoiles fixes au diamètre du Soleil sont également connus, selon ce qui est exposé dans le livre Al Manshourat. Ces rapports, nous les avons donnés dans nos tables conformément à l’opinion de Ptolémée, et tels qu’il les a trouvés ; en effet, les opinions des autres astronomes ne nous ont pas semblé aussi sûres ».

On possédait donc chez les Arabes un livre, intitulé Al Manshourat, c’est-à-dire De mensura, dont la composition était attribuée à Ptolémée ; ce livre traitait de la distance des divers astres à la Terre et de la grandeur de ces astres ; la méthode employée était celle dont Proclus et Simplicius nous ont donné un résumé.

Albyrouny déclare que la méthode donnée dans Al Manshourat pour déterminer les distances des divers astres à la Terre avait été adoptée par les Anciens comme par les Modernes. Nombreux, en effet, sont les astronomes arabes qui ont exposé ce calcul ou qui en ont, du moins, énoncé le principe.

Le plus ancien de ces astronomes et, sans doute, celui qui a le plus contribué à faire connaître cette méthode est Mohammed ben Kotsaïr al Fergani (mort en 833 ou en 844), qui composa, au début du neuvième siècle, une sorte de résumé de l’Almageste.

En 1135, l’ouvrage astronomique d’Al Fergani fut abrégé et tra-

  1. Albyrouny, Elementa Astronomiœ, texte arabe inédit ; Bibliothèque nationale, fonds arabe, ms. no 2497, fol. 33, recto.