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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE


Porrée ; ceux-ci, d’ailleurs, y sont tous deux cités, ainsi que Johannitius et Constantin l’Africain.

Compilation médiocre, sans idée, sans unité, sans critique, mais compilation où beaucoup de sentences de omni re scibili sont réunies en un unique volume, le De proprietatibus rerum présentait tous les caractères qui assurent à un livre un grand succès.

Ce succès fut prodigieux. Aujourd’hui encore, il n’est guère de bibliothèque publique qui ne possède une ou plusieurs copies manuscrites du traité de Bartholomæus Anglicus, témoins fidèles de la diffusion extrême qu’eut ce livre au Moyen Âge.

Cette diffusion eût connu des limites si l’ouvrage fût demeuré en Latin ; on le traduisit donc en divers idiomes vulgaires. Dès 1309, Vivaldo Belcalzer, de Mantoue, en fît une traduction italienne[1] ; les Français purent lire Le propriétaire des choses que Jean Corbechon, ermite de Saint Augustin, traduisit en 1372, sur l’ordre de Charles V ; vers le même temps, une traduction provençale, l’Elucidari de las proprietatz de totas res naturals, fut faite pour Gaston Phébus, comte de Foix († 1391) ; aux Espagnols, Vincent de Burgos donna le Libro de proprietatibus rerum en vieux Castillan ; les Anglais eux-mêmes lurent en leur langue, grâce à Jean de Trévise, l’écrit de leur compatriote.

L’imprimerie naissante s’empara du traité de Barthélemy l’Anglais et le répandit à profusion. En l’an 1500, on pouvait déjà compter seize éditions du texte latin, neuf de la traduction française, trois de la traduction castillanne, une de la traduction anglaise ; de 1482 à 1556, le Propriétaire des choses en français a été quatorze fois édité.

Cette vogue extraordinaire se prolongea, d’ailleurs, au delà de toute durée vraisemblable, puisqu’en 1601, on imprimait encore, à Francfort, une édition de ce De proprietatibus rerum, de ce livre qui, en l’an 1250, pouvait être regardé déjà comme fort arriéré et fort mal informé de l’état de la Science.

Bien informé, à cette époque, des choses de l’Astronomie, Barthélemy eût hésité, sans doute, entre la théorie des planètes d’Alpétragius et celle de Ptolémée, tandis qu’assurément, il n’eût fait aucune allusion à l’hypothèse d’Héraclide du Pont ; mais sa routine ne lit ni Alpétragius ni l’Almageste ; c’est à Macrobe et à Martianus Capella qu’il continue, comme les écolâtres du xiie siècle, d’emprunter ses connaissances astronomiques ; aussi recueille-t-il,

  1. Ch. V. Langlois, Op. laud., pp. 123-179.