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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


dans ces écoles n’en sera pas seulement accrue ; elle sera, en même temps, orientée suivant une direction toute différente de celle qu’elle avait suivie jusqu’alors.

Les premières infiltrations de la Science arabe en la Science latine sont, sans doute, très anciennes ; il est fort probable qu’avant l’An Mil, les écoles de France possédaient déjà des livres traduits de ceux qu’avaient composés les savants sarrasins, et que certains de ces livres concernaient l’Astronomie pratique, celle qu’occupent la confection des tables et l’usage des instruments.

Bon nombre de très anciens manuscrits attribuent à Gerbert, le futur Silvestre II, un traité intitulé Liber de astrolabio ou Liber de utilitatibus astrolabii [1] ; et l’on a fort à penser que cette attribution est légitime [2]. Comme Gerbert, ceignant la tiare, échangea en 999 son nom contre celui de Silvestre, nous devons croire que le Livre de l’astrolabe fut composé avant cette date.

C’est par les Arabes que l’auteur connaît l’astrolabe qui, dit-il, se nomme également walzagora ou planisphère de Ptolémée ; les mots arabes fourmillent en son traité. Non pas, sans doute, que Gerbert ait étudié directement des ouvrages écrits dans la langue de l’Islam ; il est plus probable qu’il a eu en mains des traductions latines de livres sarrasins ; de telles traductions avaient donc cours, dès le xe siècle, au sein de la Chrétienté latine.

Quels écrits astronomiques avaient ainsi passé de l’Arabe au Latin ? Il nous est malaisé de rien préciser à cet égard. Nous venons d’entendre Gerbert prononcer les mots de « planisphère de Ptolémée », mais sans que rien nous fît deviner en lui la connaissance de l’écrit composé sous ce titre par le grand Astronome. Ailleurs, il fait allusion [3] aux Canones de Ptolémée ; mais rien ne prouve qu’il les connût autrement que par ouï-dire, à la façon dont les connaissait Isidore de Séville [4], qui s’était borné à reproduire un renseignement emprunté à Gassiodore.

L’existence de ces très anciennes traductions latines n’en est pas moins certaine.

Elle est confirmée, tout d’abord, par une découverte que M. Bubnov a faite à la Bibliothèque Nationale [5] ; un manuscrit

1. Gerberti postea Silvestri II papæ Opera mathematica. Collegit Dr. Nico-laus Bubnov. Berolini, 1899 ; pp. 109-147.

2. Bubnov, Op. laud., p. 109, n. 1 ; p. 116, n. io ; p. 117, n. 2.

3. Gerberti De utilitatibus astrolabii cap. I ; éd. Bubnov, p. 116.

4. Vide supra, p. 11.

5. Bubnov, Oo. laud.} p. 124 ? n* 1*

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