Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
L’INITIATION DES BARBARES


naturelle devait bientôt fournir d’abondants renseignements aux doctes du Moyen Âge.

Quant à Ptolémée, il le connaît de réputation, car il a, dans ses Étymologies, inséré la phrase suivante[1] :

« Dans l’une et l’autre langue (la grecque et la latine) divers auteurs ont écrit des livres sur l’Astronomie ; parmi ces auteurs, Ptolémée, roi d’Alexandrie est, chez les Grecs, celui qui tient le principal rôle ; il a également dressé des tables qui permettent de trouver le cours des astres. »

Tout fait supposer que ce court passage exprime, en entier, ce qu’Isidore savait de l’auteur de la Syntaxe mathématique ; ce renseignement, il l’avait, d’ailleurs, emprunté à Cassiodore[2] ; encore Cassiodore mentionnait-il l’existence de deux autres ouvrages de Ptolémée, le Petit et le Grand astronome.

C’est donc une bien pauvre information scientifique que celle dont disposait Isidore de Séville ; on ne s’étonne pas de la maigreur des enseignements qu’il en a tirés. Des choses de l’Astronomie et de la Cosmographie, il n’est guère plus instruit que les Pères de l’Église ; sans doute en sait-il moins que certains d’entre eux, que Saint Augustin par exemple. Toutefois, entre ce que les Pères de l’Église pensent de la Science profane et ce qu’en pense Isidore, il y a une profonde différence, dont on ne saurait, croyons-nous, exagérer l’importance.

Pour les Pères de l’Église, les recherches de Physique et d’Astronomie sont des occupations oiseuses et futiles ; s’ils consentent, et de mauvaise grâce, à prêter quelque attention à ces recherches, c’est seulement en vue d’interpréter les Livres saints et d’écarter les objections de la Philosophie païenne contre l’Écriture.

Pour Isidore, au contraire, le désir de connaître les phénomènes de la Terre et du Ciel est une curiosité légitime ; il écrit des traités dont le but avoué est de donner satisfaction à ce sentiment. La Science profane n’apparaît plus simplement comme un instrument d’apologétique et d’exégèse ; elle est reconnue comme une fin, bonne en soi, que l’intelligence chrétienne a le droit et le devoir de poursuivre.

De siècle en siècle, l’œuvre des docteurs chrétiens affirmera de plus en plus nettement l’autonomie d’une Science physique,

  1. Isidori Hispalensis episcopi Etymologiarum liber III, cap. XXV : De scriptoribus Astronomiæ.
  2. Cassiodori De artibus ac disciplinis liberalium litteraram liber, cap. VII (Migne, Patrologiœ latinœ, t. LXX, col. 1218).