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L’ASTRONOMIE DES DOMINICAINS


vième ; aucune de ces sphères inférieures n’aurait de mouvement propre.

Ce système semble avoir séduit Albert par sa simplicité. Dans son commentaire au Livre des causes, il l’oppose [1] au système péripatéticien qui attribue à chaque orbite une intelligence capable d’en diriger le mouvement propre : « Des philosophes ont soutenu autrefois et soutiennent encore aujourd’hui que tous les corps célestes sont mùs par un seul et même moteur ; c’est l’avis auquel semble se ranger Alpétragius en son Astrologie ». Plusieurs physiciens multiplient les âmes ou les intelligences motrices. « Mais il en est un qui, à mon avis [2], soutient une opinion plus probable, et c’est Alpétragius… Tout ce qui se trouve sous le ciel, comme le feu, qui se trouve accumulé sous la concavité de l’orbe de la Lune, est entraîné par le ciel d’un mouvement qui n’est pas simple. Ce mouvement, le feu le reçoit par participation à la rotation de l’orbe au contact duquel il se trouve naturellement situé. L’air est entraîné à son tour, d’un mouvement moins régulier encore que celui du feu, car l’air est agité de mouvements multiples. L’élément de l’eau, au sein de la mer, n’accompagne pas l’air tout le long d’une révolution complète ; c’est pourquoi le flux de la mer suit le demi-cercle [3] ascendant de la Lune. Dans la terre, la vertu du moteur vient à défaillir, en sorte que le mouvement fait également défaut et que la terre demeure immobile ».

Cette exposition du système d’Al Bitrogi s’écarte en un point du sentiment de l’Auteur arabe ; selon celui-ci, les astronomes qui font dépendre le flux et le reflux de la mer du cours de la Lune sont dupes d’une apparence.

Dans son commentaire au livre des Sentences [4], Albert oppose encore le système d’Al Bitrogi aux systèmes péripatéticiens et néo-platoniciens qui, à chaque ciel, attribuent un moteur particulier. « Il est, dit-il, une opinion qu’Avenalpetras ou Alpétragius touche en son Astronomie, et qui est celle-ci : Tous les corps célestes sont mùs par un seul premier moteur, dont la force est plus puissante lorsqu’elle agit sur un mobile qui lui est immédiat

1. Alberti Magni, episcopi Ratisponensis, Liber de causis et processu univers itati s ; tractatus II : De intelligentiis ; cap. I : De necéssitate quæ coegit Peripa teticos ponere intelligentias.

2. Albert le Grand, ibid. ; tractatus IV : De fluxu causarum a Causa prima et causatorum ordine ; cap. VII : De quæstione utrum cælum moveatur ab anima, vel a natura, vel ab intelligentia.

3. Il faudrait dire : le quart de cercle.

4. Alberti Magni Scriptum in secundum tibrum Sententiarum, Dist. XFV, art. Il, 2.

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