Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/356

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
349
L’ASTRONOMIE DES DOMINICAINS


sage[1] qui reflète clairement l’enseignement qu’Albert avait emprunté à Masciallah. Il s’agit d’interpréter les eaux supracélestes dont parle la Genèse : « Ce ciel aqueux, dit Thomas d’Aquin, c’est la neuvième sphère à laquelle les astronomes rapportent le mouvement de l’orbe des signes, mouvement qui est commun à toutes les étoiles, et qui est dirigé d’Occident en Orient. Au-dessus est la dixième sphère, à laquelle ils réduisent le mouvement diurne, qui va d’Orient en Occident. »

Peu après[2], il est vrai, Thomas d’Aquin semble abandonner cette théorie et ne plus compter que neuf orbes mobiles, dont un seul est privé de tout astre. « Si nous distinguons les cieux d’après leur nature et leur propriété céleste, il y a trois cieux. Le premier est homogène et immobile ; c’est l’Empyrée. Le second est homogène et mobile ; c’est le ciel cristallin. Le troisième est hétérogène et mobile ; c’est le ciel étoilé… Sous le ciel étoilé, sont enfermés les sept cieux des astres errants. »

Il apparaît, toutefois, qu’en cette classification, la sphère des étoiles fixes et les sept sphères des astres errants forment un ciel unique, le ciel hétérogène et mobile. Il est donc permis de penser que le ciel cristallin, homogène et mobile, se compose des deux sphères sans astre que Thomas d’Aquin avait définies auparavant.

Pendant toute sa vie, d’ailleurs, Thomas d’Aquin continue de s’en rapporter à l’enseignement d’Albert le Grand touchant certaines doctrines qui, sans doute, l’intéressent peu, et dont il ne prend pas la peine de s’informer directement. Ainsi en est-il pour le système astronomique d’Al Bitrogi.

Nous avons vu comment Albert le Grand et, d’après lui, Vincent de Beauvais avaient artificiellement simplifié la théorie d’Alpétragius ; comment ils y avaient cru voir un système propre à expliquer tous les mouvements des astres à l’aide d’un seul premier moteur.

C’est sous cette forme, faussée par une simplification arbitraire, que la Mécanique céleste d’Al Bitrogi a été connue de la plupart des Scolastiques.

C’est sous cette forme, en particulier, que Saint Thomas d’Aquin la signale[3] brièvement, sans citer, d’ailleurs, le nom de l’auteur.

  1. Sancti Thomæ Aquinatis Scriptum in secundum librum Sententiarum, Dist. XIV, quæst. I, art. I : Utrum aquæ sint super cælos.
  2. {{sc|Sancti Thomæ Aquinatis} Op. laud., lib. II. dist. XIV, quæst. I, art. IV : Utrum numerus cælorum convenienter assignetur a Rabano.
  3. {{sc|Sancti Thomæ Aquinatis} Expositio super libro de Cœlo et Mundo Aristotelis ; lib. II, lectio XV.