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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/357

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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

À la philosophie astronomique que constitue le système, ainsi simplifié, d’Al Bitrogi, Thomas d’Aquin en substitue une autre qui fait dépendre tous les phénomènes célestes de deux principes de mouvement, et non pas d’un mouvement unique.

Selon Al Bitrogi, les mouvements célestes sont tous soumis à la direction du mouvement diurne de la neuvième sphère ; le mouvement propre de la huitième sphère, au contraire, préside aux lentes transformations qui se produisent au sein des éléments susceptibles de génération et de corruption ; cette dernière hypothèse avait trouvé crédit auprès de divers astronomes arabes, comme nous l’apprend Albert le Grand qui, d’ailleurs, la rejette.

Ces suppositions inspirent le Docteur Angélique ; ils les modifie cependant en les combinant avec certaines hypothèses d’Aristote. Au second livre de son traité Sur la génération et la corruption, le Stagirite[1] avait mis tous les changements qu’éprouvent les êtres sublunaires sous la dépendance des mouvements célestes ; mais un mouvement toujours identique à lui-même, comme l’est le mouvement diurne, la rotation suprême, ne peut être alternativement principe de vie et de mort ; ce rôle convient seulement au mouvement propre du Soleil et des planètes suivant l’écliptique : « Διὸ ϰαὶ οὐχ ἡ πρώτη φορὰ αἰτία ἐστὶ γενέσεως ϰαὶ φθορᾶς, ἀλλ’ ἡ ϰατὰ τὸν λοξὸν ϰύϰλον ».

L’opinion exposée par Aristote en ce passage semble, d’ailleurs, dérivée, nous l’avons dit[2], de la doctrine que Platon expose au Timée ; là, le mouvement diurne est le mouvement de l’essence d’identité, tandis que tout mouvement parallèle au plan de l’écliptique est mouvement de l’essence de diversité.

Le Commentateur avait pleinement adopté cette opinion du Stagirite[3].

Albert le Grand l’avait aussi fort longuement développée[4]. Nous avons vu précédemment que Michel Scot avait également embrassé cette doctrine. Enfin, Thomas d’Aquin lui-même l’avait très clairement enseignée[5] en commentant le De generatione et corruptione.

  1. Aristote, Περὶ γενέσεως ϰαὶ φθορᾶς το Β, ι′ (De generatiorie et corruptione liber secundus, cap. X) (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, pp. 464-465 ; éd. Bekker, vol. I, p. 236, col. a).
  2. Voir : Première partie, chapitre IV, § V, t. I, p. 163.
  3. Averrois Cordubensis Media expositio in libros Aristotelis de generatione et corruptione ; lib. II, summa IV, cap. II. — Averrois Cordubensis Media expositio in libros meteorologicorum Aristotelis ; lib. I, cap. I.
  4. Alberti Magni Ratisponensis Episcopi Liber de generatione et corruptione ; lib. II, tract. III, capp. IV et sqq.
  5. S. Thomæ Aquinatis In libros Aristotelis de générations et corruptione commentaria ; lib. II, lectio X — Ces commentaires ne sont peut-être pas