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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS


mêmes, immobiles, mais autour desquels tournent les autres os.

» En outre, la beauté et l’ordre des créatures consiste bien plutôt dans la multiplicité et dans la variété que dans une complète uniformité ; la beauté de l’orbe des étoilés fixes consiste dans le nombre et la variété des astres qu’il porte ; de même, la beauté des sphères inférieures consiste dans la variété et le nombre des mouvements et des orbes, comme le montre le deuxième livre Du Ciel et du Monde ».

Mais voici que Frère Bernard voit se dresser devant lui une nouvelle objection contre la théorie des épicycles ; cette objection, que nous avons rencontrée pour la première fois en lisant l’Opus tertium, se tire de la figure invariable que nous présente la tache de la Lune.

Cette objection, voici comment notre auteur l’expose et la résout :

« En second lieu, on fait cette objection : Si la Lune ou n’importe quelle planète est entraînée par la révolution de son épicycle, ce ne sera pas toujours la même partie du corps de la planète qui se trouvera en regard de la Terre. Aristote prouve justement le contraire à l’aide de la Lune, dont la tache nous apparaît toujours sous la même figure.

» S’il en était ainsi, on réduirait la Lune au mouvement que cette observation exige au moyen du mouvement de certains orbes qui contiendraient l’épicycle à leur intérieur ». Frère Bernard ne nous dit pas, d’ailleurs, comment il faudrait combiner ces orbes.

Chose digne de remarque : Bernard semble avoir eû sous les yeux l’Opus tertium de Roger Bacon au moment où il formulait cette objection ; il écrit en effet :

« Secundo arguitur sic : Si luna et quælibet planeta revolvitur motu epicycli, tune eadem pars corporis planetæ non semper respiciet Terram, cujus contrarium ostendit Aristoteles per Lunam, cujus macula nobis semper sub eadem figura apparet ».

Et Bacon avait écrit[1] :

« Item sequitur ex dicta imaginatione quod eadem pars corporis planetæ non semper respicit Terram, sive aspectus nostros, cujus contrarium ostendit Aristoteles per Lunam, cujus macula nobis sub eadem figura semper apparet ».

Ce n’est donc pas seulement de l’ouvrage qui a fourni aux Communia naturalium leurs trois derniers chapitres que Bernard de

  1. Un fragment inédit, pp. 132-133. — Liber secundus communium naturalium, éd. Steele, p. 440.