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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/62

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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE


Toute la sphère céleste, dirai-je, tout ce qui se trouve en elle et tout ce qui, de la surface au centre, est contenu dans la cavité qu’elle enceint, tout cela est né par le concours des éléments catholiques ; tout ce qui, au cours des siècles, naît des transformations des choses corruptibles, provient de ces éléments et retourne à ces éléments ».

On ne saurait trouver aucun corps qui ne soit formé par le concours de ces quatre éléments [1]. Ce ne sont pas certains corps qui sont formés par certains éléments, mais tous les corps qui sont formés par tous les éléments : « Non quædam ex quibusdam, sed omnia ex omnibus confluant ».

Ces éléments purs et universels sont doués, chacun, d’une qualité ; aux quatre éléments correspondent ainsi quatre qualités, deux à deux opposées, qui sont le chaud et le froid, le sec et l’humide : « Lors donc qu’on les conçoit isolément [2], qu’on les considère comme purs et séparés les uns des autres, ces éléments semblent être contraires les uns aux autres… Mais lorsqu’ils se mêlent les uns aux autres, par une harmonie admirable et ineffable, ils réalisent les compositions de toutes les choses visibles ».

« Bien que certaines qualités [3] soient plus sensibles en certains corps et d’autres moins sensibles, cependant le concours (synodus) des éléments catholiques a, dans tous les corps, une mesure commune et uniforme. L’Intelligence divine a équilibré avec une parfaite justesse tous les corps du Monde entre deux extrémités opposées, entre l’extrême pesanteur, veux-je dire, et l’extrême légèreté ; c’est entre ces deux extrêmes qu’a été posée la constitution de tous les corps sensibles. Tous les corps reçoivent les qualités terrestres, qui sont la solidité et l’immobilité, dans la mesure où ils participent de la pesanteur ; au contraire, dans la mesure où ils retiennent de la légèreté, dans cette même mesure ils ont part aux qualités célestes qui sont la rareté et la fluidité. Les corps intermédiaires, ceux dont la pesanteur se balance à égale distance des deux extrêmes, participent également de ces qualités opposées. En ces quatre éléments universels, on trouve le même mouvement, le même repos, la même capacité, la même possession. »

Ces dernières phrases nous rappellent ce que Grégoire de Nysse écrivait dans son traité ϰατασϰευῆς ἀνθρώπου [4]. Que ce traité ait bien été, en cette occasion, l’inspirateur de Jean Scot, nous allons

1. Scot Érigène, Op. laud., lib. III, 3a ; éd. cil., col. 713.

2. Scot Érigène, Op. laud, lib. III, 29 ; éd. cil., col. 706.

3. Scot Érigène, Op. laud.* lib. III, 3 ?  ; éd. çit., col, 714*

4. Voir : Seconde partie, Ch. I, § XIII ; t. Il, pp. 482-483.

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