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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — II. LES PHYSICIENS

« En ce qui touche l’autorité du Commentateur, on ne saurait lui en accorder aucune à ce sujet ; et cela n’a rien d’étonnant. Dans le commentaire au XIIe livre de la Métaphysique, il nous déclare lui-même qu’il avait souhaité, dans sa jeunesse, de constituer un système astronomique différent du système de Ptolémée qui admet des excentriques et des épicycles ; mais il avoue qu’en sa vieillesse, il a désespéré d’y parvenir ; il est donc inutile de s’arrêter ici à ce qu’il a pu supposer ou prouver.

» Quant à ceux qui, après lui, se sont rencontrés pour nier les excentriques et les épicycles, ou qui se rencontrent — s’il s’en trouve encore aujourd’hui — ce ne sont que de verbeux sophistes, comme il y en a beaucoup, hélas ! Gens qui ne regardent rien, mais qui prononcent aisément des avis et vomissent présomptueusement leurs imaginations superflues. »

Toutes les fois, donc, qu’il y a lieu de juger une proposition et que cette proposition peut être contrôlée ou contredite par le sens, le physicien doit céder le pas à l’observateur et recevoir la sentence rendue par ce dernier. Mais cette autorité qu’a l’astronome de profession lorsqu’il constate des vérités d’observation, il ne saurait y prétendre lorsqu’il construit des théories propres à rendre compte de ces vérités ; autre est la certitude des faits que les instruments ont révéles et décrits avec précision, autre la confiance que l’on doit aux systèmes composés pour expliquer ces faits.

Cette essentielle distinction n’échappe pas à ceux qui font métier d’astronome. L’obliquité de l’écliptique diminue lentement ; dûment établi par des mesures précises, ce fait est d’une absolue certitude ; la théorie de l’accès et du recès explique cette lente variation de l’angle compris entre l’écliptique et l’équateur ; il n’en résulte pas que la théorie de l’accès et du recès soit exacte ; Jean des Linières nous le dit dans sa Theorica planetarum[1] : « Ce nest pas un raisonnement concluant que celui-ci : Telle variation a été trouvée en la déclinaison maximum du Soleil, donc elle provient de tel mouvement ; car une semblable variation peut également provenir de tel autre mouvement que l’on imaginerait. »

Si les astronomes eux-mêmes se défendent d’accorder plus de confiance qu’elles n’en méritent aux théories dont, ils usent chaque jour, on peut s’attendre à voir les physiciens garder la même réserve. Prêts à rejeter sans recours un système astronomique qui

  1. Magistri Joannis de Lineriis Theorica planetarum (Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms, no 7281, fol. 166, vo, et fol. 167, ro).